L’hécatombe. En 2018, le Dr Mourad Benabdallah (Arras) apprend par la presse la suspension du DU dont il est le coordinateur à Lille, alors que, chaque année, ses contenus étaient validés par l’UFR. Suivent la même année les facultés d’Angers et de Reims qui suspendent leurs DU ou DIU d’homéopathie. En 2019, embrayent Tours et Paris V-René Descartes. À ce jour, six UFR* seulement maintiennent pour cette rentrée leurs formations homéopathiques – sous réserve d’enregistrer un nombre suffisant d’inscriptions. « Nous sommes au bord du gouffre, avoue le Dr Bernard Poitevin, en charge du DU d’Aix-Marseille, qui a accueilli une dizaine d’étudiants l’an dernier et qui attend aujourd’hui avec inquiétude les inscriptions. Nous nous battons, assure-t-il, mais c’est un combat désespéré. »
Après l’Académie de médecine, c’est le Collège national des généralistes enseignants qui réclame le 5 juillet à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, la suppression de tous les DU d’homéopathie, au motif qu’ils véhiculent « des aberrations grossières aux antipodes de la démarche scientifique et une démarche archaïque de la discipline », dénonçant les « fausses croyances (qui) détournent les jeunes médecins des bonnes pratiques ». Les anti-homéo auraient-il déjà gagné la partie ?
Le président des doyens monte au créneau
Ce serait compter sans la détermination du président de la Conférence des doyens d’UFR de médecine. « Droit dans ses bottes universitaires », le Pr Jean Sibilia, qui se prévaut de l’unanimité de ses pairs sur la question, refuse de se « laisser imposer une censure sur les disciplines universitaires de la part de la fraction minoritaire et agressive des anti-fakemed. Interdire l’enseignement de l’homéopathie en faculté serait un non-sens, déclare-t-il au Quotidien, alors que 70 % des patients sont demandeurs de cette prise en charge. » Opposé à « une logique médico-administrative qui n’a rien à voir avec les règles universitaires[DC1] », comme au « scientisme idéologique du tout-EBM » (evidence-based-medicine), le doyen de Strasbourg prêche « l’apaisement et la sagesse » tout en se voulant « le garant de la transparence et de la rigueur scientifique : chaque UFR a reçu sa feuille de route sur les contenus et nous allons mettre au point pour la rentrée 2020 une charte destinée aux médecines alternatives et complémentaires, pour reformater l’offre pédagogique et la construction des diplômes non professionnalisant. »
Quand les DU sont suspendus, les médecins qui veulent se former gardent la possibilité de se tourner vers le secteur privé. Le Centre homéopathique de France et l’Institut national homéopathique de France organisent des formations diplômantes de trois ans (à raison d’une journée par mois), selon des approches pluralistes raisonnées, ou unicistes. Les laboratoires proposent aussi leurs propres structures d’enseignement, avec le centre d’études homéopathiques et la société de médecine biothérapique. Mais dans le privé aussi, la situation est dramatique. « Nous maintenons nos cours cette année avec deux étudiants et cinq enseignants, annonce sans fard le Dr Pascale Laville, secrétaire générale du plus ancien établissement privé, au centre médical Saint-Jacques de Paris. Quand j’ai suivi mon cursus, nous étions 200 étudiants. C’est le creux de la vague, mais nous tenons malgré les coups reçus, car nous ne doutons pas que notre approche finira par être scientifiquement reconnue face au stupide tout-chimique. »
*Brest, Limoges, Lyon, Aix-Marseille, Paris 13 Bobigny, Poitiers (inventaire effectué le 3 septembre par la présidence de la commission des doyens d’UFR).
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