QUELLE DOIT être la place des proches lors d’une intervention médicale d’urgence ? Et est-il opportun de laisser la famille assister à la réanimation du patient ? Ces questions sont au cœur d’une étude française publiée le 14 mars 2013 dans le New England Journal of Medicine. « Ce travail permet de montrer que le fait de donner la possibilité aux proches d’assister à une réanimation a, au final, un effet bénéfique pour eux, en réduisant notamment le stress post-traumatique », explique le Pr Frédéric Adnet, investigateur principal de l’étude et chef du SAMU de l’hôpital Avicenne à Bobigny.
Ce travail a été conduit entre 2010 et 2012, en incluant 15 Samu en France. L’étude a porté sur les proches de 570 patients, pris en charge à domicile à la suite d’un arrêt cardiaque. Deux groupes ont été constitués. Dans le premier (groupe d’intervention), l’équipe soignante proposait systématiquement à la famille du patient d’assister à la réanimation. Dans le second groupe (groupe contrôle), l’équipe gardait sa pratique habituelle en proposant ou non à la famille d’être présente durant l’intervention. Dans le premier groupe, 211 proches sur 266 (79 %) ont accepté d’assister à la réanimation contre 43 % (131 proches sur 304) dans le second groupe.
Ensuite, les auteurs de l’étude ont mesuré, au bout de 90 jours, le niveau de stress post-traumatique chez les proches. « Nous avons aussi étudié les conséquences psychologiques à un an. La conclusion de l’étude est que les effets psychologiques délétères sont moins nombreux qui ont eu le choix d’assister à la réanimation avec moins de stress post-traumatique, d’anxiété et de dépression », explique le Pr Adnet.
Pour expliquer ces résultats, ce dernier met d’abord en avant le fait qu’assister à la réanimation permet à famille de mesurer la gravité de la situation et l’engagement de l’équipe soignante pour tenter de sauver la personne. « Le fait d’être certain que tout a été mis en œuvre pour essayer de maintenir en vie de la personne aimée est un motif récurent de satisfaction et de réconfort pour les proches. Ils savent aussi que rien ne leur a été caché sur les circonstances de l’intervention. Enfin, le fait d’être présent leur a aussi permis de prendre conscience de la gravité de cet arrêt cardiaque. Quand on éloigne la famille, on a souvent plus de mal à faire accepter l’annonce du décès. Ils n’ont rien vu, alors ils ne comprennent pas », constate le Pr Adnet. « Certaines familles nous ont aussi dit que cela avait été important pour eux de pouvoir toucher leur proche pendant la réanimation, de lui prendre la main », ajoute-t-il.
Le Pr Adnet reconnaît que certains proches ont été impressionnés par la réanimation et le vécu parfois violent de certains actes. « Le plus souvent, pourtant, les médecins n’ont laissé entrer la famille qu’une fois que les gestes invasifs étaient faits. L’autre élément important est le fait que cette présence n’a pas eu d’impact négatif sur le travail des soignants. C’est un message à diffuser car, bien souvent, les médecins sont réticents à accepter la présence de la famille craignant que cela ne perturbe l’intervention », souligne le Pr Adnet.
Entretien avec le Pr Frédéric Adnet, auteur principal de l’étude et chef du SAMU de l’hôpital Avicenne à Bobigny.
Patricia Jabre, Vanessa Belpomme, Frederic Adnet et al. Family Presence during Cardiopulmonary Resuscitation. «N Engl J Med. 2013 Mar 14;368(11):1008-18. doi: 10.1056/NEJMoa1203366.
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