Après un cancer

Le difficile retour au travail

Publié le 01/12/2014
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Ce sont des chiffres qui donnent toute la mesure du problème : parmi les personnes qui étaient en activité lors du diagnostic, deux ans après, trois personnes sur

dix ont perdu leur emploi ou l’ont quitté (1). Pour les personnes qui étaient au chômage, le retour à l’emploi est rendu plus difficile : seules 30 % ont retrouvé un emploi deux ans après (versus 43 % chez les personnes n’ayant pas eu de cancer). Face à cette réalité, le Plan cancer 3 affiche un objectif concret : d’ici 2020, augmenter de 50 % les chances de retour à l’emploi deux ans après le diagnostic.

« Cette question du maintien ou du retour à l’emploi est un enjeu absolument majeur », souligne la Pr Michèle Delaunay, députée socialiste de Gironde. De mai 2012 à mars 2014, la Pr Delaunay a fait partie du gouvernement Ayrault en tant que ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie. Après le remaniement, elle a retrouvé son siège à l’Assemblée nationale. Si elle occupe aujourd’hui des fonctions politiques, Michèle Delaunay garde un œil avisé sur le monde de la médecine et de la cancérologie. Elle a en effet exercé la médecine pendant 45 ans au CHU de Bordeaux où elle a dirigé le service de cancérologie cutanée.

Durant sa carrière de cancérologue, la Pr Delaunay a été confrontée à de très nombreuses reprises à ce problème du devenir professionnel des patients. « J’ai pu constater que beaucoup expriment le désir de retrouver leur activité le plus tôt possible. Leurs motivations sont bien sûr diverses. Les personnes qui ont une activité libérale n’ont parfois pas d’autre choix pour maintenir leur niveau de revenus. D’ailleurs, j’ai souvent constaté que les plus déterminés à retravailler coûte que coûte, étaient les médecins libéraux », explique la Pr Delaunay.

Pour beaucoup de patients, reprendre le travail est aussi une manière de retourner dans la vie normale. Dans un univers qui ne soit pas entièrement centré sur la maladie. « C’est important pour eux de se sentir de nouveau utile, d’avoir un rôle social et d’essayer de retrouver ce qui faisait leur vie d’avant. Bien sûr, c’est souvent compliqué dans leur tête. Même si les traitements se sont bien passés, un malade du cancer n’est plus tout à fait la même personne après une telle épreuve », souligne Michèle Delaunay.

Le rôle du médecin est, selon elle, de tout faire pour permettre ce retour à l’emploi. À condition que le patient soit physiquement et psychologiquement apte à reprendre une activité. « Parfois, il faut que le cancérologue contacte le médecin du travail pour que la personne soit affectée à un poste adapté à son état ou avec des horaires aménagés. Parfois, il faut essayer d’aider la personne à vaincre certaines réticences. Il arrive que, lors de leur traitement, des femmes appréhendent beaucoup le fait d’aller au travail avec leur prothèse capillaire. Il faut arriver à les persuader que, dans l’immense majorité des cas, le regard des autres ne sera pas discriminant mais au contraire bienveillant ».

Mais la Pr Delaunay reconnaît que les patients n’avancent pas tous au même rythme. « Certains estiment qu’il leur faut plus de temps pour retourner dans le monde du travail. C’est bien sûr quelque chose qu’il faut respecter. Chez certains individus, la maladie fait prendre conscience de l’absurdité de ce qui faisait le quotidien de leur vie professionnelle, surtout lorsque celle-ci n’était pas très épanouissante. Et on peut comprendre qu’une personne qui s’est battue contre un cancer, trouve dérisoire de retourner se battre pour une agrafeuse dans un bureau ».

Entretien avec Michèle Delaunay, députée socialiste de Gironde

(1) Enquête VICAN2, 2012

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du Médecin: 9370