En conditions physiologiques, le sommeil d’une durée de 7 à 9 heures est associé à une période de jeûne prolongé mais, grâce à divers mécanismes, notamment une réduction de la consommation de glucose au niveau cérébral, la glycémie reste stable. Le manque de sommeil s’accompagne de troubles de l’homéostasie glycémique, caractérisés par des altérations de la tolérance au glucose, de la réponse précoce à l’insuline ou de la sensibilité à l’insuline. Des troubles similaires sont observés en cas de perte du sommeil avec ondes lentes, ce qui est le cas de sujets ayant un sommeil fragmenté secondairement à une hypoxie.
La restriction du temps de sommeil liée à l’évolution des modes de vie a des répercussions sur le poids corporel. Elle entraîne une augmentation de la sensation de faim et d’appétit ainsi que du rapport ghréline/leptine. Les études montrent d’ailleurs que les sujets qui dorment peu, moins de 6 heures par nuit, ont un risque de devenir obèse multiplié par 4, comparativement aux sujets dormant plus de 7 heures.
Les données récentes montrent que le sommeil court et/ou fractionné et les difficultés d’endormissement sont associés à un risque accru de diabète de type 2. Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est très fréquent chez les diabétiques de type 2, avec une prévalence estimée entre 50 et 75 % selon les études. Le SAOS est un facteur de risque indépendant de diabète de type 2 et, plus le SAOS est sévère, plus l’hémoglobine glyquée est élevée.
Pour le Pr André Scheen (Belgique), président de la société francophone du diabète, ces constats posent la question de l’intérêt d’améliorer le sommeil pour prévenir, voire guérir, le diabète de type 2.
Deux cas de figure doivent être distingués, a rappelé de son côté la Dr Anne-Laure Borel (Grenoble) : les maladies du sommeil, telles que le SAOS, et le manque de sommeil lié aux nouvelles habitudes de vie.
Le traitement de référence du SAOS se fonde sur la pression positive continue (PPC), dont les effets sur l’équilibre du diabète se sont montrés encourageants dans les études observationnelles : réduction des glycémies nocturnes et de leur variabilité. Mais ces effets bénéfiques n’ont pas été confirmés dans la seule étude randomisée contrôlée, réalisée chez 42 hommes diabétiques depuis 7 ans en moyenne, avec une HbA1c de 8,5 % sous traitement par antidiabétiques oraux ou insuline. Aucune différence n’a été observée après 7 mois de PPC en termes d’HbA1c, de sensibilité à l’insuline, d’adiponectine, ou de données anthropométriques. Peu ou pas de différence sur différents paramètres du métabolisme glucidique avant ou après PPC ont par ailleurs été rapportées dans d’autres études menées chez des non diabétiques.
Plusieurs essais sont en cours, notamment l’étude GLYCOSA, qui a inclus 400 diabétiques de type 2 présentant un SAOS, randomisés pour bénéficier de conseils hygiénodiététiques, associés ou non à une PPC. « Les premiers résultats ne semblent pas positifs, a indiqué la Dr Borel. Trois autres essais sont en cours, mais pour l’instant nous ne disposons pas de preuve robuste d’un effet positif de la PPC pour améliorer le contrôle glycémique ».
La PPC a toutefois un impact positif sur le risque cardiovasculaire, confirmé par 14 études de cohorte, et sur des marqueurs cliniques comme la pression artérielle et ce, chez le diabétique comme chez le non diabétique.
En termes de complications microvasculaires, un travail récent a souligné une amélioration de l’acuité visuelle de patients diabétiques après 6 mois de PPC, ce qui ouvre une nouvelle voie de recherche dans la prévention de ces complications du diabète. Les données sur la néphropathie sont peu nombreuses et discordantes.
Enfin, deux études françaises ont montré la forte prévalence du SAOS dans le diabète de type 1 : 19 % de SAOS sévère et 27 % de SAOS minime à modéré sur une cohorte de 67 patients. La présence d’apnées du sommeil est associée à un risque accru de coronaropathie et de complications microvasculaires.
Mode de vie
Un nouveau champ de recherche s’ouvre aussi pour évaluer l’impact des modifications des habitudes de sommeil sur la prise de poids et le risque de diabète. « Les données colligées à ce jour vont dans le sens d’un effet délétère, et il semble d’ores et déjà important de s’intéresser au sommeil de nos patients », a conclu le Dr Borel.
Article suivant
Une gestion prédictive de l’hypoglycémie
Des recherches qui ne s’endorment pas
Une gestion prédictive de l’hypoglycémie
Le rôle clé du cil primaire
Seuls un tiers des jeunes sont à l’objectif
L’importance du contrôle glycémique
Une démarche personnalisée et évolutive
Penser aussi à la masse musculaire
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024