En vingt ans, le spectre des conséquences cliniques des perturbateurs endocriniens environnementaux (PEE) s’est considérablement élargi : maladies endocriniennes, désordres métaboliques, stérilité, maladies inflammatoires, auto-immunes, troubles du développement psychomoteur, autisme, maladies neurodégénératives, psychiatriques, hépatiques, rénales, cardiovasculaires, respiratoires, cancers.
Chez l’adolescent aussi, plusieurs publications récentes soulignent la diversité des effets délétères potentiels des PEE : avance pubertaire, liée dans 84 % des cas à une cause environnementale, syndrome des ovaires polykystiques, endométriose, dysgénésie ovarienne, acné, et même dépression, qui serait en lien avec la pollution atmosphérique.
« C’est un véritable scandale sanitaire, quand on sait que ces PEE sont présents partout dans notre environnement », a souligné le Pr Charles Sultan (Montpellier). Ces fongicides, herbicides, insecticides, plastiques, produits industriels comme les PCB et parabènes, médicaments comme les contraceptifs, métaux lourds, sont présents dans la chaîne alimentaire, dans l’air, dans les cosmétiques et produits d’hygiène, y compris ceux pour bébés. Les fruits et légumes et les cosmétiques sont une source constante de PEE. Une pomme subit par exemple 32 traitements par an (insecticides, fongicides, herbicides, éclaircissants…). Des phtalates, qui ont des effets sur la durée de la phase lutéale, la puberté, la fertilité et le risque d’hypertension artérielle gravidique, sont retrouvés dans 72 % des cosmétiques. Des parabènes, qui affectent la puberté, le cycle menstruel et l’endométriose, entrent dans la composition de 60 % des produits sans rinçage et 40 % de produits avec rinçage. Ainsi, chacun y est exposé dans sa vie quotidienne, familiale, professionnelle ou de loisirs.
C’est un véritable scandale sanitaire
Et la liste des PEE s’agrandit, avec par exemple de nouveaux fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), utilisés pour empêcher le développement de moisissures dans les réserves céréalières. Leurs effets potentiellement néfastes sur la santé humaine sont pointés du doigt. Ils altèrent notamment la différenciation et la migration neuronale, ce qui expose à une baisse des performances intellectuelles.
Une inégalité sociale
Face à ce risque environnemental, on constate une grande inégalité sociale, puisque les populations ne sont pas exposées de la même manière aux différents polluants et nuisances.
Les conséquences économiques sont majeures, la qualité de vie se dégrade, les maladies chroniques explosent, avec un effet important sur les systèmes de protection sociale.
Sans oublier que tous ces facteurs environnementaux sont susceptibles d’altérer la santé des générations futures. Pas encore nés, les fœtus sont déjà contaminés : le placenta n’est pas une barrière mais une éponge ! On retrouve près de 300 PEE dans le sang de cordon, ce qui expose les futurs enfants et adultes à diverses pathologies. Les données disponibles mettent notamment en avant un processus de programmation prénatale de l’obésité. Ainsi, il existe un lien entre l’exposition à différents PEE au cours de la grossesse et le risque ultérieur, dans l’enfance ou à l’âge adulte d’obésité, dont l’incidence en cesse de croître.
« Les trois grands scandales sanitaires qui ont marqué ces dernières décennies (distilbène chez les femmes enceintes, agent orange (dioxine) durant la guerre du Vietnam, chlordécone aux Antilles) n’ont pourtant pas conduit à modifier les comportements », regrette le Pr Sultan.
Un défi toxicologique
Si, de façon globale, les PEE altèrent l’équilibre endocrinien par différents mécanismes, dont une interaction avec les récepteurs hormonaux, l’étude de leur action sur la santé humaine est un défi toxicologique. Il n’y a pas de relation dose-effet, mais un effet cocktail et des périodes de vulnérabilité, comme la période embryofœtale ou périnatale. C’est de ce constat qu’est né le concept d’exposome, qui désigne le cumul des expositions sur la vie entière.
Communications des Prs et Drs Charles Sultan (Montpellier), Gilles Nalbone (Marseille) et Laura Gaspari (Montpellier)
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