Presbyacousie

Il faut intervenir précocement

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Publié le 14/10/2019
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La presbyacousie est la vieillissement physiologique du système auditif, au niveau périphérique et central. Il s'agit donc d'un trouble de l'oreille, mais aussi d'une atteinte au niveau cérébral, qui expose à un risque de démence, ce qui justifie sa reconnaissance et sa prise en charge précoce.
Les troubles auditifs touchent la moitié des sujets de plus de 75 ans

Les troubles auditifs touchent la moitié des sujets de plus de 75 ans
Crédit photo : Phanie

Les troubles auditifs touchent environ 10 % de la population générale et la moitié des sujets de plus de 75 ans, à des degrés divers selon les facteurs de susceptibilité et d'exposition aux bruits et aux ototoxiques. Ils s'intègrent dans un vieillissement sensoriel global, qui au niveau de l'oreille concerne non seulement l'audition mais aussi l'équilibre, avec le phénomène de presbyvestibulie, et sont souvent associés, avec un effet synergique délétère, à la presbytie.

Les conséquences de la presbyacousie vont au-delà de la gêne dans la vie quotidienne et l'isolement social, car l'absence de stimulation cérébrale d'origine sensorielle est un facteur favorisant le développement de troubles cognitifs, voire de démence. « Ce qui est bon pour les oreilles est bon pour le cerveau », résume le Dr Xavier Perrot (service d’audiologie et d'explorations otoneurologiques, hôpital Édouard Herriot, CHU Lyon), qui plaide pour une prise en charge précoce du vieillissement auditif. « Les arguments sont aujourd'hui surtout épidémiologiques, mais la réactivation des canaux sensoriels favorise le maintien des capacités cognitives. »

« Intervenir précocement suppose d'évaluer en consultation les troubles sensoriels et notamment de rechercher une presbyacousie, dont le patient ne se plaint pas toujours car il ne s'en rend pas compte ou est dans le déni », poursuit le Dr Perrot. Cela peut par exemple se faire simplement en s'adressant au patient à voix faible ou modérée, en masquant sa bouche pour empêcher la lecture labiale.

Le parcours de soins en cours de discussion

Jusqu'alors, le délai moyen d'appareillage, qui représente un des volets majeurs de la prise en charge, était de sept ans, conséquence du caractère stigmatisant des appareils qualifiés de prothèses. Ce frein disparaît peu à peu, aidé en cela par l'explosion des oreillettes bluetooth pour les jeunes générations, tout comme l'argument économique pendant longtemps avancé, qui n'aura plus lieu d'être avec la mise en place du reste à charge zéro. « Dans ce cadre, la réorganisation du parcours de soins est en cours de discussion et les médecins généralistes pourraient y participer, en tant qu’interlocuteur initial, indique le Dr Xavier Perrot. Le bilan diagnostique, avec otoscopie et audiométrie (dans une cabine insonorisée) nécessite toutefois du temps, du matériel et une formation spécifique, qui ne peut être délivrée en quelques séances de formation médicale continue. Et même s'il n'y a pas de vraie urgence à appareiller, le patient, y compris en cas de déficit modéré, doit être pris en charge dans un délai raisonnable, ce qui passera peut-être à terme par le développement de soignants de pratiques avancées, à l'instar des audiologistes qui exercent dans d'autres pays, notamment dans les pays anglo-saxons. »

Le réglage des appareillages peut être complexe, et l'adaptation cérébrale à des sons qui ne sont pas physiologiques n'est pas toujours facile, ce qui peut expliquer la mauvaise observance. « Il serait utile de proposer plus largement une rééducation orthophonique chez les sujets âgés, comme cela se fait systématiquement pour les enfants sourds implantés cochléaires », estime le Dr Perrot.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin