La médecine d’urgence aura été au rendez-vous au plus fort de l’épidémie de Covid-19 en France, estime la Dr Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d’urgence : « Notre discipline a été en première ligne et a même été le pivot de l’organisation de l’offre de soins lors de la première vague. »
« On le sait : l’enjeu de cette pandémie est d’éviter tout risque de saturation du système de soins. Et notre premier rôle, en tant qu’urgentistes, est de pouvoir apporter le juste soin à tous les patients en ayant besoin, tout en préservant le système de soins de la suractivité. Et on a bien vu au plus fort de l’épidémie à quel point il était crucial d’apporter une réponse via la régulation médicale fonctionnant 24 heures sur 24 et 7/7 jours dans tous les endroits du territoire, y compris les déserts médicaux », ajoute la Dr Ricard-Hibon.
Ce dispositif bien rodé a permis de proposer à tous les patients, quel que soit leur lieu de résidence, une évaluation médicale précoce et rapide de leur besoin de santé. « À partir de là, il a été possible d’adresser les patients dans la bonne filière de soins, en pouvant notamment orienter des patients directement vers les unités Covid sans passer par les urgences et éviter ainsi de multiplier le nombre de cas-contacts », souligne la Dr Ricard-Hibon.
Une collaboration étroite avec la médecine de ville
Cette mobilisation est passée par une collaboration plus étroite avec la médecine de ville. « Au départ, on a connu quelques difficultés à mobiliser les généralistes qui n’étaient pas équipés pour se protéger et protéger les patients à leur cabinet. On a alors vu se développer les centres Covid puis le recours à la téléconsultation, qui ont été très utiles », souligne la Dr Ricard-Hibon qui tire un bilan très positif de cette collaboration. « On a pu établir un partenariat précieux et très efficace avec eux et c’est de bon augure en vue de la mise en place du service d’accès aux soins (SAS) », indique-t-elle (lire aussi ci XXX).
En mars-avril, au plus fort de l’épidémie, il a aussi fallu faire face à une augmentation très importante d’appels au 15. « On a dû modifier les organisations et renforcer la régulation médicale en priorisant les urgences vitales. Cela a nécessité de mobiliser fortement les équipes du Smur qu’il a même fallu doubler dans certains territoires. Les équipes médicales du Smur ont traité au domicile les urgences vitales et adressé directement des patients dans les services de réanimation ».
L’épreuve du feu pour les TGV
Les urgentistes ont été très en pointe pour assurer le transfert d’un grand nombre de patients de réanimation depuis les régions les plus touchées par l’épidémie vers des zones moins affectées. « Les équipes des Samu et des Smur ont été logiquement très mobilisées, avec les services de réanimation et le service de santé des armées. Au total 660 patients, dont 265 d’Île-de-France, ont ainsi été transférés par voie terrestre, aérienne mais surtout via ces fameux TGV médicalisés dont les médias ont beaucoup parlé. J’ai même été interviewée par une journaliste américaine assez impressionnée par l’expertise française en la matière », indique la Dr Ricard-Hibon.
Le point noir : l’approvisionnement
Quels points devraient être améliorés ? La question est importante alors que la situation actuelle reste très tendue et incertaine sur le front de l’épidémie. « Au plus fort de la crise, ce qui a dysfonctionné, c’est l’anticipation logistique sur l’acheminement des moyens de protection individuelle. Il est également essentiel d’avoir un nombre suffisant de respirateurs adaptés à ces pathologies, et de places de réanimation », indique la présidente de la SFMU.
Un autre point important est la collaboration avec les autres transporteurs sanitaires. « On a connu initialement quelques soucis quand nous avons été confrontés à une très forte hausse du nombre de transports sanitaires à effectuer. Les pompiers, au début, estimaient que cela ne relevait pas de leurs missions. Et les ambulanciers n’étaient pas en nombre suffisant pour ce nombre de transport. Heureusement, nous avons pu travailler de manière très efficace avec les ambulanciers privés, qui se sont fortement mobilisés et les associatifs comme les équipes de la Croix-Rouge et de la Protection civile », indique la Dr Ricard-Hibon.
Entretien avec la Dr Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d’urgence
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