« Pour l’instant, nous avons échoué à améliorer le pronostic des arrêts cardiaques extra-hospitaliers », souligne le Pr Frédéric Lapostolle (Bobigny). Dans cette situation, chaque minute compte et, pour améliorer le délai à la prise en charge, les voies de progrès se situent plutôt du côté du patient et de son entourage que des médecins. Le recours précoce au massage cardiaque externe et au défibrillateur améliore le pronostic. Cela a été bien démontré dans une étude menée dans les casinos de Las Vegas, où les agents de sécurité avaient été formés à leur utilisation. En revanche, les dispositifs automatisés de massage cardiaque, qui semblaient prometteurs, n’ont pas confirmé leurs bénéfices sur le pronostic des patients. Il en est de même pour la plupart des stratégies qui ont été testées dans cette pathologie.
Accélérer l’accès aux défibrillateurs
Il faut donc travailler encore pour informer le public sur la nécessité d’une alerte et d’un massage cardiaque précoces, et pour raccourcir le délai d’accès aux défibrillateurs, sans oublier bien sûr la formation des médecins. De nouvelles techniques de simulation sont développées, elles permettent par exemple d’améliorer la formation à la réanimation de l’enfant et du nouveau-né, qui a ses spécificités.
La place de la régulation dans la prise en charge de ces patients évolue aussi, notamment avec le développement de l’intelligence artificielle. Des études ont ainsi confirmé l’utilité de l’alerte et du guidage téléphonique des témoins, qui améliore le pronostic des victimes.
Les registres sur les arrêts cardiaques et les syndromes coronaires aigus (SCA) en France sont non seulement de bons éléments d’évaluation des pratiques professionnelles mais aussi des outils épidémiologiques permettant d’identifier les cibles pour les progrès futurs, au niveau national et des départements.
L’ECG à l’heure des outils connectés
Plus largement, dans les SCA, les médecins ont un rôle important d’information à délivrer à leurs patients, en leur rappelant qu’il est essentiel de ne pas attendre plusieurs heures avant d’appeler le 15 en cas de symptômes inhabituels. « Un patient ayant une douleur thoracique doit avoir le plus tôt possible un ECG, qui, malgré les progrès de l’imagerie, reste à la base du diagnostic de l’infarctus du myocarde », rappelle le Pr Lapostolle. Ce « vieil » outil, qui reste donc la pierre angulaire de la prise de décision, devrait à terme bénéficier des progrès de l’intelligence artificielle : logiciels d’aide à la lecture de l’ECG, encore en cours d’évaluation, et outils connectés. Une étude publiée récemment a par exemple mis en évidence la bonne corrélation entre un ECG classique et un enregistrement par une montre connectée pour détecter les modifications du segment ST (1).
La médecine d’urgences a ses particularités, et certaines recommandations émanant d’autres sociétés savantes peuvent être discutées. « C’est notamment le cas des recommandations sur la prise en charge des SCA, qui finalement répondent plus aux questions des cardiologues qu’à celles des urgentistes », estime le Pr Lapostolle. D’où l’importance, pour les urgentistes de se voir proposer par la SFMU des « lignes directrices », plus adaptées à leurs pratiques.
Entretien avec le Pr Frédéric Lapostolle, SAMU 93, hôpital Avicenne, Bobigny (1) CAM Spaccarotella et al. JAMA Cardiol. Epub August 31, 2020. doi:10.1001/jamacardio.2020.3994
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