Les mécanismes de sécheresse oculaire

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Publié le 24/06/2022
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La sécheresse oculaire est un motif de consultation extrêmement fréquent, puisqu’elle concerne de 700 000 à 900 000 personnes en France. Considérée comme une plainte bénigne, on se contente généralement d’appliquer des larmes artificielles, alors que la sécheresse relève d’anomalies diverses, quantitatives et/ou qualitatives qu’il importe de repérer pour une prescription adaptée.
La qualité de vie peut être fortement affectée

La qualité de vie peut être fortement affectée
Crédit photo : phanie

Les symptômes de sécheresse oculaire sont classiques : sensation de corps étranger, de sable dans l’œil, vision brouillée, sensibilité particulière à la climatisation, à la lumière, au travail sur ordinateur, à la lecture, avec parfois, paradoxalement, un larmoiement réflexe au vent ou au froid et, en cas de kératite, une photophobie et des douleurs. « On ne communique pas assez sur la qualité de vie, regrette le Dr Serge Doan (Hôpital Bichat et Fondation Rothschild), alors que le vécu de la sécheresse est désagréable voire déprimant, qu’elle gêne pour regarder la TV ou l’ordinateur, pour le maquillage des yeux, et que 20 % des patients craindraient de perdre la vue. »

Un film lacrymal à trois composantes

Le système lacrymal doit être de bonne qualité pour avoir une vision stable, mais il est complexe et fragile, avec trois couches, lipidique, aqueuse et muqueuse. Le niveau de sécheresse oculaire est classiquement évalué par le test de Schirmer, mais on dispose maintenant d’examens plus sophistiqués, comme la méniscométrie, qui mesure la hauteur du sac de larmes au bord supérieur de la paupière inférieure ou des appareils analysant la qualité et la quantité des différents éléments du film lacrymal.

On distingue la sécheresse quantitative, quand il existe un déficit de la sécrétion aqueuse, de la sécheresse qualitative, en cas d’anomalie de la couche muqueuse qui ne permet pas « l’accrochage » des larmes, ou d’anomalies de la couche lipidique, avec un déficit ou une instabilité qui entraîne une sécheresse par hyperévaporation.

Anomalies quantitatives et/ou qualitatives

Parmi les causes de sécheresses quantitatives par hyposécrétion aqueuse, vient en premier la ménopause, mais aussi la dénervation par Lasik, les paralysies faciales, les maladies auto-immunes (syndrome de Gougerot Sjögren, polyarthrite rhumatoïde, lupus, thyroïdites), la prise de certains médicaments comme les parasympathicolytiques, les psychotropes, les anxiolytiques. Les sécheresses sévères peuvent provoquer des kératites filamenteuses très douloureuses, dues à un mucus trop concentré.

Parmi les anomalies qualitatives, les étiologies les plus fréquentes sont les blépharites et les dysfonctionnements des glandes de Meibomius (DGM), grands pourvoyeurs de sécheresse évaporative. Dans le DGM, les sécrétions huileuses deviennent hypervisqueuses et stagnent au niveau des paupières, provoquant des sécheresses par évaporation et entraînant des blépharites et des chalazions. Ils peuvent être liés à la rosacée, la dermite séborrhéique, l’infection par Demodex, les lentilles de contact, la ménopause, les traitements par isotrétinoïne mais aussi aux allergies oculaires. Les allergies aux produits conservateurs des lentilles peuvent provoquer aussi des anomalies de la couche muqueuse.

Un traitement adapté

On dispose de très nombreuses gouttes visant à hydrater la paupière, à choisir selon leur composante plutôt aqueuse ou huileuse, pseudo-muqueuse. Si cela ne suffit pas, on peut recourir à des bouchons méatiques, pour limiter l’évaluation des larmes, à des lentilles sclérales sans contact avec la cornée, dans lesquelles on instille du sérum physiologique ou des larmes artificielles, ou à des lunettes à chambre humide fermées, pour maintenir l’humidité. Le DGM relève d’abord de traitements mécaniques : massages palpébraux avec application de chaleur pour liquéfier le contenu des glandes, des collyres huileux, avant d’envisager la lumière pulsée, la thermothérapie, etc.

Session : « 24e colloque de printemps de l’Ariba »

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin