Orbitopathie basedowienne : une maladie auto-immune complexe

Par
Publié le 24/06/2022
Article réservé aux abonnés
L’orbitopathie dysthyroïdienne est une pathologie auto-immune essentiellement en rapport avec une maladie de Basedow. Le plus souvent légère, des complications menaçant la vision sont possibles.
L’atteinte est le plus souvent bilatérale mais asymétrique

L’atteinte est le plus souvent bilatérale mais asymétrique
Crédit photo : phanie

L’orbitopathie basedowienne (OB) n’est pas rare puisqu’elle touche 1,9 % des femmes (et 0,16 % des hommes). L’atteinte auto-immune cible les récepteurs de la TSH au niveau de la thyroïde où elle entraîne un goitre généralement hyperthyroïdien mais elle agit aussi au niveau des fibroblastes orbitaires, d’où l’atteinte des muscles oculomoteurs et de la graisse orbitaire. Elle peut également concerner les tissus prétibiaux, avec un myxœdème prétibial.

La maladie de Basedow (MB) s’associe à une atteinte orbitaire chez la moitié des patients, mais qui peut parfois passer inaperçue si on ne la recherche pas systématiquement. Toutefois, dans 5 % des OB typiques, on ne retrouve aucun processus auto-immun thyroïdien. Dans les 95 % d’orbitopathies dysthyroïdiennes, neuf patients sur dix ont une MB avec hyperthyroïdie et un une maladie de Hashimoto avec hypothyroïdie.

Dans 40 % des cas, l’OB est contemporaine de la thyréotoxicose − dans les 6 mois avant ou après − dans 20 % des cas elle la précède, et dans 35 % des cas elle survient plus de 6 mois après.

Rôle délétère du tabac

L’OB est bilatérale dans 90 % des cas mais souvent asymétrique (une atteinte unilatérale doit faire éliminer une autre cause). Elle s’accompagne pratiquement systématiquement d’une rétraction palpébrale. L’exophtalmie est présente dans près de 70 % des cas. Elle peut s’associer à des signes d’inflammation — œdème et/ou rougeur palpébrale, hyperhémie conjonctivale, chémosis (œdème conjonctival), atteinte de la caroncule et de la plica à l’angle interne de l’œil.

Les OB sévères représentent 5 % des MB. Elles sont plus fréquentes chez les fumeurs et dans le sexe masculin. Les autres facteurs favorisants la gravité de l’OB sont l’âge, les Ac anti-TSH élevés, le diabète, la dyslipidémie, l’hypothyroïdie iatrogène, l’irathérapie.

Des complications rares mais graves

Le défaut de couverture palpébrale rend fréquentes les atteintes de la surface oculaire : kératite ponctuée, photophobie, sensation de corps étranger inclusion, palpébrale, blépharite, qui peut devenir chronique, voire ulcère de cornée.

La diplopie ne correspond pas à une atteinte musculaire systématisée mais à l’atteinte inflammatoire et la fibrose. Son évaluation est d’autant plus complexe que les deux yeux sont souvent atteints. Il n’y a pas lieu de prescrire une rééducation.

Complication aiguë extrêmement rare, la subluxation du globe oculaire. Enfin, la compression du nerf optique (5 % des OB), liée à l’augmentation du volume musculaire, est de diagnostic difficile, avec un risque de lésion irréversible en l’absence de traitement.

Équilibrer la fonction thyroïdienne sans surtraiter

L’imagerie (TDM ou IRM) n’est indiquée que dans les formes modérées à sévères, en cas de doute diagnostique ou de suspicion d’atteinte du nerf optique.

« Dans tous les cas, il est essentiel de protéger la surface oculaire, d’arrêter le tabac et de rétablir l’euthyroïdie, qui améliore l’OB dans 65 % des cas, à condition d’éviter le passage en hypothyroïdie, qui aggrave l’OB », rappelle la Dr Laurence Du Pasquier, endocrinologue (Paris). Les antithyroïdiens de synthèse sont prescrits en première intention ; l’iode radioactif peut, dans 15 à 33 % des cas, entraîner l’apparition ou l’aggravation de l’OB, surtout s’il existe d’autres facteurs de gravité.

La corticothérapie est indispensable en cas d’inflammation orbitaire. La chirurgie du goitre est délicate car il est hypervascularisé ; elle doit être évitée en phase active de l’atteinte orbitaire.

Session : « L’orbitopathie basedowienne »

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin