La ventilation nasale par pression positive continue (PPC), prescrite pour syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), est un traitement souvent interrompu par le patient. Si ses bénéfices sur la réduction de la mortalité sont montrés quand le traitement est effectif (1), on manquait de données sur l’intérêt de la réintroduire après une interruption.
Une étude française récente s’est penchée sur la question (2). Elle montre que la réintroduction de la PPC est pertinente puisque susceptible de réduire la mortalité, et précise au passage le taux d’abandon durant la première année après reprise, et les facteurs prédictifs de continuation.
Cette étude rétrospective, menée sur les données du SNDS, porte sur une cohorte de plus de 100 000 patients (n = 103 091) atteints de SAOS s’étant vu prescrire une première PPC en 2015-2016, et qui l’ont arrêtée. Parmi eux, 26 % (n = 27 212), ont finalement repris leur PPC avant la fin de leur première année d’interruption. Cette reprise s’est soldée, après une seconde année, par 65 % (n = 17 575) de poursuite du traitement et par 35 % (n = 9 637) de nouvel arrêt. Ces patients ayant de nouveau arrêté ont été appariés aux sujets ayant repris et poursuivi le traitement (n = 9 554 dans chaque groupe).
L’analyse met en évidence un risque relatif de décès réduit de 38 % chez ceux ayant repris et poursuivi le traitement, vs ceux qui l’ont de nouveau arrêté (RR = 0,62 [0,48-0,79] ; p = 0,0001).
Autre enseignement : les patients ayant moins souvent arrêté leur PPC sont des hommes hypertendus, mais surtout chez lesquels la prescription émanait d’un pneumologue.
Commentaires du Pr Jean Louis Pépin* (Grenoble)
Pour une seconde chance
Ces résultats suggèrent qu’offrir une « seconde chance » de PPC aux patients ayant une première fois interrompu leur traitement a tout son sens. Ils soulignent aussi que les PPC prescrites et initiées par un pneumologue ou un MG formé au SAOS sont mieux suivies.
L’adhésion à la PPC est une problématique majeure. Dans cette cohorte de 103 091 patients qui avaient arrêté la première année de leur traitement, seuls un quart (n = 27 212) l’avaient finalement repris. Et, parmi eux, 9 637 l’interrompront une seconde fois, soit autant de patients laissés sans traitement, si on néglige les quelques orthèses mandibulaires mises en œuvre et interventions chirurgicales pratiquées.
Des alternatives pas encore opérationnelles
L’Assurance-maladie nous pousse à prescrire plus souvent des orthèses mandibulaires, avec un objectif affiché de 25-30 % de patients atteints de SAOS équipés. Mais il est impératif de prendre en compte en priorité le phénotype du SAOS à traiter : chez un patient ayant un IMC à 40 kg/m² par exemple, l’orthèse est associée à 80 % d’échecs. Sans compter que, dans la pratique, accéder à une orthèse relève du parcours du combattant, entre les délais pour un premier rendez-vous chez le dentiste (3 à 6 mois), les soins dentaires à mettre en œuvre, la prise d’empreintes et l’adaptation de l’orthèse elle-même.
Raison pour laquelle nous demandons aux autorités de santé d’investir dans les parcours de soins orthèse pour les rendre efficients : on ne peut pas nous donner un objectif de 20-30 % d’orthèses mandibulaires sans, dans le même temps, nous donner les moyens de le mettre en œuvre. Même au sein de l’hôpital, on est démunis. Des dentistes prothésistes sont prévus mais leurs créneaux pour les orthèses sont limités.
À l’avenir, on disposera peut-être d’alternatives (3), parmi lesquelles les agonistes GLP-1, à même d’aider les patients à perdre du poids. Mais leur prescription reste pour l’heure hors AMM.
* CHU Grenoble Alpes, Inserm U1300 Hypoxie-Physiopathologie
(1) Pépin JL et al. Relationship between CPAP termination and all-cause mortality: a French nationwide database analysis. Chest 2022; 161: 1657-65
(2) Pépin JL et al. CPAP resumption after a first termination and impact on all-cause mortality in France. Eur Respir J. 2024 Feb 1;63(2):2301171
(3) Pépin JL et al. Novel avenues to approach non-CPAP therapy and implement comprehensive obstructive sleep apnoea care. Eur Respir J 2022; 59: 2101788
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