Actualité oblige, le SARS-CoV-2 et ses répercussions pulmonaires étaient au centre des préoccupations lors du dernier congrès européen de pneumologie. Avec notamment la présentation de données qui confirment l’existence de séquelles fonctionnelles chez de nombreux patients, y compris les moins sévères. Alors que la question de la fibrose reste posée, la vigilance est de mise.
Difficile d’échapper au Covid-19 lors du dernier Congrès de l’European Respiratory Society (ERS), qui s’est tenu virtuellement début septembre. « C’est un sujet dont on ignorait tout il y a un an mais pour lequel des progrès considérables ont déjà été faits, notamment en matière de prévention des séquelles pulmonaires et cardiaques », a souligné le président de l’ERS, le Pr Thierry Troosters (Louvain, Belgique), lors d’une session dédiée. Pour illustrer le propos, deux études (l’une autrichienne, l’autre française) ont été mises en avant.
Un impact réel mais réversible
La première a été menée en Autriche auprès de malades hospitalisés pour Covid-19 entre le 29 avril et le 9 juin. Faisant un parallèle avec l’épidémie de SRAS-1, qui a laissé des séquelles pulmonaires à 30 % des patients, l’équipe réunie autour du Dr Sabrina Sahinic (Innsbruck, Autriche) a proposé une évaluation clinique et paraclinique (biologie, EFR, ECG et scanner pulmonaire) aux patients, 6, 12 et 24 semaines après la sortie de l’hospitalisation.
Les résultats intermédiaires présentés à l’ERS portaient sur 82 patients âgés en moyenne de 56,7 ans. Les hommes étant surreprésentés (63,4 %), tout comme les personnes en surpoids ou obèses (65 %) et 43,9 % des patients avaient des antécédents de tabagisme. Un patient sur cinq avait séjourné en réanimation, 19 % avaient bénéficié d’une ventilation mécanique et leur durée moyenne d’hospitalisation était de 13 jours.
À la première consultation, plus de la moitié des patients (65,9 %) présentaient au moins un signe clinique persistant (principalement une dyspnée, 47 %, ou une toux, 19,5 %). Des lésions ont été retrouvées au scanner chez 88 % des patients. Une atteinte des capacités respiratoires (CVF < 80 % et/ou VEMS < 80 %) a été décrite chez 24,4 % des personnes inclues. Chez 88 % des patients, des images en verre dépoli étaient présentes au scanner.
Les poumons n’ont pas été le seul organe atteint puisque 58,5 % des patients souffraient d’une dysfonction ventriculaire gauche, et une grande majorité présentait encore des taux sériques moyens de NT-proBNP, de D-dimères et de ferritine significativement élevés.
À la consultation des 12 semaines, les choses se sont sensiblement améliorées, avec moins de dyspnée (39 %), des EFR moins souvent impactées (20 % des patients), des images de scanner en verre dépoli dans 56 % des cas et moins de signes de dysfonction cardiaque.
Ainsi pour le Dr Sahanic, « bien que des atteintes cardio-pulmonaires semblent initialement très marquées, il est possible d’assister à une récupération spontanée, ce qui suggère que les poumons ont un mécanisme de réparation ».
Ces résultats restent préliminaires et devraient être complétés par un suivi à 24 semaines portant sur un total 150 participants. Mais d’ores et déjà, ces premières conclusions « montrent l’importance de mettre en place un suivi structuré des patients atteints d’une forme grave du Covid-19 », estime le Dr Sahanic, d’autant que « le scanner a mis en évidence des lésions pulmonaires qui n’avaient pas été identifiées par les tests de fonction pulmonaire ».
Plaidoyer pour la rééducation pulmonaire précoce
« Il est décevant d’entendre que plus de la moitié des patients de cette étude présentaient des lésions pulmonaires (et cardiaques) et que près de 40 % souffraient encore de symptômes tels que l’essoufflement 12 semaines après la sortie de l’hôpital, a commenté pour sa part le Pr Troosters. La bonne nouvelle, cependant, c’est que les patients s’améliorent, la réadaptation aidant sûrement le processus. »
C’est justement les résultats d’une approche de ce type qui ont été présentés par le Dr Yara Al Chikhanie (Grenoble). 19 patients (âge moyen 70 ans, une majorité d’hommes) ont bénéficié d’un passage en soins de suite et réadaptation (SSR) après une hospitalisation en réanimation pour Covid-19. La totalité des patients présentaient au moins un facteur de risque (obésité, diabète, cancer…). Toutes les semaines, leur fonction cardio-respiratoire a été évaluée par un test de marche.
Au cours du séjour (21 +/-8 jours), les performances au test de marche sont passées de 16 à 43 % des valeurs théoriques, « ce qui représente un gain significatif mais reste une atteinte grave », estime le Dr Al Chikhanie. Les meilleurs résultats en termes de récupération ont été observés chez les patients qui ont rejoint le centre de rééducation dès leur sortie de réanimation. En d’autres termes, « plus la rééducation a commencé tôt et duré longtemps, plus la récupération a été rapide et importante », précise la chercheuse.
Pour le Pr Troosters, ces résultats « montrent à quel point il est essentiel pour les patients de commencer une rééducation pulmonaire dès qu’ils sont physiquement capables de le faire ».
Des signes respiratoires à long terme, même chez les sujets pauci-symptomatiques
Il n’y a pas que les patients hospitalisés chez qui le Covid-19 peut jouer les prolongations. Un travail présenté lors des Journées nationales d’infectiologie confirme en effet que près de la moitié des patients pris en charge en ambulatoire présentent aussi des séquelles, notamment pulmonaires.
Le Dr Lucas Armange (Rennes) a analysé les données préliminaires d’une série de 186 patients (dont 13 % de fumeurs) suivis en ambulatoire et interrogés par un questionnaire en ligne six semaines après le diagnostic. Parmi eux, 44 % présentaient encore des symptômes après ce délai, dont sensation de perte de capacités respiratoires (38 %), dyspnée d’effort (34 %), toux (18 %), douleurs thoraciques (10 %) et dyspnée de repos (4 %).
Un scanner et des EFR ont été proposés aux patients qui le souhaitaient : aucune complication n’a été notée au scanner mais des signes EFR ont été retrouvés chez 30 % des patients (qui ont par la suite été traités par bêta-2 mimétiques et corticoïdes inhalés pour la plupart d’entre eux).