« Le Congrès français de psychiatrie (CFP) s’est toujours caractérisé par des moments d’échanges et de convivialité, avec pour objectif de fédérer, année après année, notre discipline, explique le Pr Frédéric Limosin (hôpital Corentin-Celton, AP-HP), le président du 13e CFP. Après une épidémie qui nous a isolés, déconnectés les uns des autres, et un congrès virtuel en 2020, le thème ‘Connexions’ a été choisi cette année, car il symbolise enfin, le retour aux échanges humains. »
« Il illustre aussi un aspect qui nous est cher : celui de l’enrichissement de notre discipline par l’apport d’autres champs de réflexion et de recherche, qu’il s’agisse des sciences humaines ou d’autres sciences biologiques et médicales », ajoute le psychiatre. Le CFP ne réunit pas que des psychiatres, d’autres professionnels de santé impliqués dans le champ de la santé mentale y participent : gériatres, psychologues, généralistes, infirmières… Avec, par exemple, une journée spécifique pour les soignants « Journée sciences infirmières et recherche paramédicale », ainsi qu’une Journée de l’accompagnement et de l’action médico-sociale. « Cette interpénétration de disciplines variées contribue à enrichir nos pratiques, à développer des stratégies de soins innovantes et à nous préserver du risque d’immobilisme », souligne le Pr Limosin, ajoutant que le congrès aborde toutes les dimensions de la psychiatrie : les addictions, la psychiatrie des enfants et des adolescents, celle de la personne âgée, la biologie, la recherche, les thérapeutiques…
Le thème « Connexions » fait également référence à la santé connectée, qui se développe de plus en plus en psychiatrie comme dans d’autres spécialités.
« Ces nouvelles formes de liens avec les patients (et leur entourage) traduisent une mutation profonde et durable de l’exercice clinique, qui doit être bien encadrée et à laquelle nous devons nous adapter », prévient le Pr Limosin.
Des organisations bouleversées
Au même titre que beaucoup d’autres spécialités, la pandémie a affecté les organisations en psychiatrie, et a contraint de réduire consultations et hospitalisations programmées, d’autant plus que les soignants étaient parfois mobilisés au sein des unités accueillant les patients souffrant de Covid-19.
Cette situation n’a pas été sans conséquence chez les patients les plus fragiles, plus particulièrement les sujets âgés, davantage exposés au risque d’isolement. Les téléconsultations (parfois juste téléphoniques, sans vidéo) ont permis de maintenir au mieux les contacts et les prises en charge de patients qui ne pouvaient plus être accueillis. « Nous utilisions déjà beaucoup la téléconsultation pour aider à gérer des épisodes psychiatriques chez les personnes âgées en Ehpad, en complément des soins apportés par les équipes mobiles », note le Pr Limosin.
Il faut également souligner des recherches épidémiologiques et cliniques ambitieuses ont été menées par les psychiatres au cours de cette pandémie, permettant en particulier de mieux caractériser les formes psychiatriques de « Covid long ». « Pour le moment, il semblerait que certains patients qui ont des formes prolongées présenteraient des symptômes psychiatriques, mais il reste encore à savoir la part du Covid et des prédispositions antérieures. Le Covid-19 peut fragiliser certains patients et entraîner une décompensation psychique. Il ne faut pas conclure trop vite. Nous attendons encore des données de preuves complémentaires », explique le Pr Limosin
Des antidépresseurs contre le Covid-19
« Nous sommes à l’origine, en France, d’une recherche importante sur certains antidépresseurs de type Isrs, susceptibles d’améliorer significativement le pronostic du Covid-19, se réjouit le Pr Limosin. Au départ, nous avons fait le constat, avec le Dr Nicolas Hoertel, que la plupart des patients hospitalisés dans notre service échappaient à une forme grave de Covid-19 ; certains, pourtant âgés et porteurs de nombreuses comorbidités, ne développaient même pas de forme symptomatique. »
Cette observation a incité l’équipe à mener une étude, publiée dans Molecular Psychiatry (1), qui a confirmé une association significative entre la prise de fluoxétine et de fluvoxamine, et un moindre risque de décès ou d’intubation. Ces résultats sont en accord avec des données in vitro, montrant que ces traitements antidépresseurs spécifiques inhibent, en quelques heures, l’activité de la sphingomyélinase acide, une enzyme qui semble influencer la pénétration intracellulaire du virus Sars-CoV-2.
De nombreuses autres études, dans plusieurs pays du monde entier, sont venues appuyer cette observation, notamment l’étude Together (2) : l’administration de fluvoxamine (100 mg, deux fois par jour, pendant dix jours), dès le début de l’infection par le Sars-CoV-2, diminue le risque de forme sévère.
La fluvoxamine est actuellement prescrite « off label » dans différents pays (États-Unis, Canada, Brésil, Inde, Malaisie, Ouganda…) à des patients ambulatoires symptomatiques à risque de forme sévère de Covid-19. « En France, nous espérons qu’il y aura un repositionnement thérapeutique pour ces molécules, bien tolérées et peu coûteuses », souligne le Pr Limosin.
Exergue : « Nous avons fait le constat que la plupart des patients hospitalisés dans notre service échappaient à une forme grave de Covid-19 »
(1) Hoertel N. et al. Mol Psy 2021(26)5199-212
(2) Reis G. et al. Lancet Glob Health 2022; 10: e42–51
Article précédent
Repérer et agir contre le suicide
Article suivant
La rétine, une fenêtre sur le cerveau
Traitements adjuvants de la schizophrénie
Dépression et troubles cognitifs des sujets âgés
L’alcool, aussi chez les seniors
Covid-19 et psychotropes chez les ados
TCA : hausse des demandes
Quand l’école fait peur
Repérer et agir contre le suicide
Connexions à tous les niveaux : les points forts avec le Pr Frédéric Limosin (président du CFP 2021)
La rétine, une fenêtre sur le cerveau
Les SMS du congrès CFP 2021
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024