Quand l’école fait peur

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Publié le 01/04/2022
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Le refus scolaire anxieux, ou phobie scolaire, est un trouble encore trop peu exploré, malgré une constante augmentation et des conséquences très pénalisantes pour les adolescents. La prise en charge par thérapie cognitivo-comportementale a montré son efficacité.
L’objectif est le retour à l’école

L’objectif est le retour à l’école
Crédit photo : phanie

Le refus scolaire anxieux (RSA) encore appelé phobie scolaire, appartient au spectre des troubles anxieux. Il concerne des adolescents qui, malgré un désir et un réel potentiel scolaire (ce sont en général des bons élèves), se retrouvent dans l’incapacité de surmonter une angoisse excessive face à l’école et restent à la maison. Il en résulte un absentéisme scolaire avec des répercussions importantes, ainsi qu’une souffrance pour les jeunes et leur entourage. Le pronostic est donc sévère en l’absence de prise en charge, avec un impact fonctionnel majeur.

Le RSA n’est pas un diagnostic individualisé dans les classifications internationales (CIM 10 ou DSM 5), il est considéré comme une complication d’un ou plusieurs troubles anxieux. Le diagnostic se fait à partir des critères de Berg (1), actualisés par Heyne en 2019 (2). L’adolescent doit présenter l’ensemble des critères suivants : le refus d’aller à l’école conduisant à une absence prolongée, une détresse émotionnelle anticipatoire se traduisant par une peur excessive, des crises de colère, une tristesse ou des symptômes physiques inexpliqués, le fait pour les enfants de rester au domicile parental pendant le temps scolaire, une absence de comportements antisociaux significatifs, ainsi que les efforts parentaux significatifs pour pousser leurs enfants à fréquenter l’école.

Plus de cas depuis le Covid-19

Il y a très peu d’études épidémiologiques. Le RSA concernerait de 1 % à 5 % des enfants et adolescents d’âge scolaire (3) et 8 % des adolescents suivis en pédopsychiatrie, mais cela est sans doute loin de la réalité. Il touche autant les garçons que les filles. « On note deux pics de fréquence : 10-11 ans, lors de l’entrée au collège et 13-15 ans, période classique de début des troubles anxieux. La pandémie de Covid 19 et les mesures sanitaires ont largement participé à une augmentation des cas (4) », a expliqué la Dr Hélène Denis (CHU de Montpellier). Le RSA regroupe un ensemble de situations hétérogènes. Le tableau clinique est variable en fonction de l’âge de l’adolescent et de la problématique sous-jacente (harcèlement, changement d’établissement, anxiété de séparation des parents, anxiété de performance…).

Une urgence thérapeutique

« La prise en charge du RSA, véritable urgence thérapeutique, n’est pas codifiée. Elle doit pourtant être rapide, active et intensive. Plus l’absence à l’école se prolonge, moins le pronostic est favorable », a souligné la Dr Chloé Jover (CHU de Marseille). Le traitement vise à permettre la reprise de la scolarité à temps complet, à diminuer la détresse émotionnelle et à prévenir l’apparition de complications psychiatriques. Elle nécessite une collaboration entre l’adolescent, sa famille, l’école et le service de pédopsychiatrie. La psychothérapie reste le traitement de première intention. Le traitement médicamenteux (ISRS) est en deuxième intention.

Un programme pilote à Montpellier

À ce jour, il n’existe pas de traitement de référence du RSA. Cependant, il est sous-tendu par des symptômes anxieux et la TCC est déjà validée dans cette indication. C’est dans ce contexte qu’a été créé le programme de TCC du RSA du service de pédopsychiatrie du CHU de Montpellier.

Ce programme est proposé dans une unité spécifique au RSA, au sein de l’unité pour adolescent. Il s’adresse à des adolescents présentant un RSA sévère.

La TCC est délivrée, en hospitalisation de jour, 4 demi-journées par semaine. Les séances comprennent des temps de scolarité (2 h/jour), délivrés en groupe, et des temps de soins en individuel (1 à 2 fois par semaine) et en groupe (gestion du stress, affirmation de soi et l’estime de soi…). Les temps scolaires sont délivrés par une enseignante de l’éducation nationale avec un accompagnement soignant.

La réintégration dans l’établissement se fait de façon progressive (2 h/semaine accompagné pendant 3 semaines, puis 2 h par semaine seul, etc.), avec poursuite de l’hospitalisation de jour.

Ce programme a fait l’objet d’un projet hospitalier de recherche clinique régional (PHRC). En tant qu’unité pilote, l’unité montpelliéraine a guidé les unités de Marseille, Béziers et Nîmes pour implanter une organisation de soin basée sur la TCC avec, comme objectif principal, le retour en scolarité.

Les premiers résultats de l’année scolaire 2020-2021 sont très encourageants : 95 % des jeunes patients qui ont terminé le programme sont retournés au collège.

Exergue : Plus l’absence se prolonge, moins le pronostic est favorable

Session « Refus scolaire anxieux ou phobie scolaire des adolescents : du repérage à la prise en charge » 

(1)  Berg I et al. Arch Dis. Child. Fev 1997

(2)  Heyn D et al. Cogn. Behav Pract 2019

(3)  Gallé-Tessonneau M et al. Prat. Psychol 2017

(4)  Gracia R et al. J Affect Disord. 2021 Sep 1;292:139-41

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin