Les adolescents ont plus de difficultés que les adultes à dire qu’ils éprouvent une souffrance morale, et la dépression se manifeste volontiers par une irritabilité, voire une agressivité, des troubles du comportement et un désinvestissement, notamment scolaire. Les signes plus classiques sont à rechercher : tristesse de l’humeur quotidienne, perte de plaisir, troubles des conduites, perturbation de l’appétit, du sommeil, fatigue, perte d’énergie, vision péjorative du monde, difficultés à se concentrer, ralentissement psychomoteur ou à l’inverse agitation. « En pratique ce sont souvent l’irritabilité, l’agitation, les plaintes somatiques et les ruminations anxieuses, surtout avec une rupture du fonctionnement et bien souvent un désinvestissement scolaire, qui alertent la famille », note la Pr Angèle Consoli. Une prise de toxique, en particulier d’alcool ou de cannabis, à visée anxiolytique doit également interpeller, alors que certains centres d’intérêt, comme les copains, sont maintenus. Parfois, la dépression est plus sévère, avec des signes psychotiques tels qu’hallucinations, idées délirantes avec diverses thématiques (persécution, culpabilité, ruine…).
« Il faut absolument questionner l’adolescent sur ses idées suicidaires, car il n’en parle que peu spontanément, souligne la Pr Angèle Consoli (voir encadré). Il importe également de rechercher des facteurs liés à l’environnement, dont le poids est d’autant plus important que l’adolescent est jeune : difficultés intrafamiliales ou scolaires, harcèlement, de plus en plus fréquent et dont l’effet est amplifié par les réseaux sociaux ».
Psychothérapie en première intention
Quelles sont les modalités de prise en charge ? « Le simple fait de voir l’adolescent, d’être attentif à sa souffrance, de se mobiliser peut avoir un effet thérapeutique et apporter un soulagement », indique la Pr Consoli. Le traitement de première intention se fonde sur une psychothérapie, qu’elle soit psychodynamique ou cognitivocomportementale, selon les préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS). Le psychiatre consultant doit idéalement être un spécialiste des enfants et adolescents, ce qui en pratique n’est pas toujours facile compte tenu des délais de rendez-vous. Dans les formes habituelles, la question d’un traitement médicamenteux se pose en cas d’échec après huit séances de psychothérapie. Un délai qui est moindre dans les formes sévères d’emblée, où le traitement médicamenteux peut être instauré plus rapidement en parallèle de la psychothérapie.
« Les antidépresseurs autres que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRSS) n’ont plus lieu aujourd’hui d’être prescrits chez l’adolescent, rappelle le Pr Consoli. La fluoxétine est le seul qui a fait la preuve d’une efficacité significative chez les jeunes et est celui préconisé par la HAS à partir de l’âge de 12 ans, en association à une psychothérapie. Il y a quelques années, la polémique sur l’augmentation du risque suicidaire a conduit les autorités européennes à demander des essais chez le jeune. En pratique, le risque suicidaire lié à la levée de l’inhibition en début de traitement est moindre qu’en l’absence de traitement dans les formes sévères de dépression ». Il faut également rechercher des épisodes hypomaniaques antérieurs, qui orientent vers un diagnostic de trouble bipolaire et amènent à manier avec grande prudence les antidépresseurs. Sans oublier un bilan somatique systématique, afin d’éliminer une pathologie organique sous-jacente, par exemple une dysthyroïdie.
En cas de passage à l’acte imminent, de signes mélancoliques ou psychotiques, une hospitalisation d’emblée est préconisée. « Quelque 30 % des adolescents consultant en urgence sont potentiellement concernés, mais on se heurte en pratique au manque de places d’hospitalisation », déplore la Pr Consoli.
D’après un entretien avec le Pr Angèle Consoli, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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