• Un enjeu fonctionnel évident
Le pied a un impact sur la mobilité du sujet âgé, sur sa capacité à la marche et sur la prévention des chutes.
Cette unité constituée de plusieurs pièces osseuses peut à la fois être l’aboutissement d’un processus de détérioration extrinsèque à cette structure composite (os, ligaments, tendons…) ou au contraire l’élément déclenchant d’une telle détérioration. Au même titre qu’il importe de disposer d’une réserve cognitive pour retarder la survenue d’une maladie d’Alzheimer, il importe de disposer d’une réserve fonctionnelle locomotrice pour conserver l’autonomie de déplacement. Le pied participe effectivement outre à la déambulation, à l’équilibre et à la posture de l’individu.
• Un défi thérapeutique quotidien
La littérature médicale ne manque pas de traités entiers consacrés à la pathologie du pied. Ils sont tous applicables au sujet âgé. Cependant une toute première particularité de ce terrain est que les problématiques pathologiques y sont volontiers multiples et intriquées. La seconde spécificité est que les options thérapeutiques sont souvent limitées par l’existence de comorbidités.
Pourtant, dans ce groupe d’âge, des petits moyens de traitement peu onéreux suffisent parfois à améliorer la vie du patient beaucoup mieux que des traitements plus lourds voire, de surcroît, onéreux. Des méthodes simples et efficaces peuvent aider à soulager de sévères détresses en rapport avec l’altération du pied.
• Une région très sollicitée
On estime, déjà chez l’adulte jeune, que plus d’une personne sur deux souffre ou a souffert de son pied en raison de la demande immense imposée à cette région. Chez le sujet âgé s’installe graduellement une altération globale de l’appareil musculo-squelettique qui ne peut naturellement épargner le pied. Une des raisons pour lesquelles le pied résiste malgré tout à cette altération croissante inexorable est en réalité la moindre demande naturelle du sujet. Or plus de 80 % de la population âgée présente des désordres, réclamant l’attention du médecin. La liste de ces désordres peut être déclinée à l’infini, mais en fait trois ou quatre conditions spécifiques dominent les motifs de consultation : des durillons volontiers algiques, des dommages unguéaux, des altérations structurales parfois également déformantes (hallux valgus, griffe des orteils etc., non exclusives du sujet âgé mais beaucoup plus fréquentes chez ce dernier).
• Tous les segments du pied
Il est impossible dans l’espace imparti à ce survol de détailler toutes les conditions pathologiques susceptibles d’être rencontrées dans cette population.
De façon simplifiée on peut segmenter ces altérations en fonction de leur topographie.
Sur les orteils on se trouve confronté soit à des durillons soit à des déformations en griffe ou en marteau pouvant aller jusqu’au chevauchement, soit à des souffrances unguéales très répandues de nature variée
(onychogryphose, onycocryptose…), soit à des conflits interdigitaux (bursite, œil-de-perdrix.). Cette pathologie d’orteils relève à la fois d’une correction du chaussage, d’orthèses moulées sur mesure à la fois correctrices et suppressives des conflits et d’œillets de rembourrage soit standards du commerce soit personnalisés. Plus exceptionnellement une chirurgie correctrice nécessitera d’être proposée.
Au niveau du médiopied, les affections en cause sont soit une arthrose (le plus souvent distribuée à l’articulation cunéo-métatarsienne du premier rayon) soit des altérations tendineuses de sévérité variable.
L’une d’entre elles, la dysfonction du tendon du jambier postérieur laisse parfois apparaître au décours de son évolution une pathologie déformante plus ou moins bien tolérée de l’ensemble du pied. À ce niveau, comme pour les orteils, les mesures thérapeutiques sont plutôt conservatrices au moyen d’orthèses personnalisées de support et/ou de correction, soit plus rarement chirurgicales, de réalignement de l’architecture, au prix souvent d’une arthrodèse.
Enfin à l’arrière pied, par ordre de fréquence, ce sont les talalgies qui dominent le tableau et, ce, quelle qu’en soit la cause : lipoatrophie ou autres types de dégradation des coussinets graisseux plantaires, aponévrosite plantaire, bursite ou périostite calcanéenne… Ces souffrances parfois rebelles sur plusieurs mois nécessitent une analyse précise de leur genèse afin de les soulager efficacement.
Finalement on ne saurait conclure ce survol de la pathologie du pied du senior sans évoquer la traumatologie plus particulièrement les fractures de cheville, souvent bimalléolaires nécessitant une ostéosynthèse la plus anatomique et solide possible.
• Un spectre pathologique très diversifié
N’ont été rappelées ci-dessus que les affections principalement ostéo-articulaires. Il faut cependant conserver à l’esprit que des maladies dermatologiques (mycoses en particulier) métaboliques (diabète en particulier), circulatoire (insuffisance artérielle ou veineuse), neurologique (neuropathie centrale ou périphérique…) isolément ou de façon conjointe compliquent parfois encore plus la prise en charge thérapeutique du pied du sujet âgé. En présence de telles maladies, il conviendra d’être encore plus sélectif sur les décisions thérapeutiques afin d’éviter toute aggravation iatrogène induite par des soins de pédicurie bien intentionnés bien qu’insuffisamment compris. Le sujet âgé est souvent contraint d’avoir recours à de tels soins, compte tenu d’autres handicaps de son appareil locomoteur (membre supérieur, coxopathie…). La surveillance du pied sur de tels terrains réclame donc des professionnels compétents et rompus à la prise en charge de la problématique très spécifique de cette région.
• Bon pied bon œil
Si le dicton populaire traditionnel dit « à bon pied, bon œil » cela implique une surveillance vigilante de la part du sujet lui-même de l’absence de toute forme d’agression à ce niveau (traumatisme, chaussage) et une surveillance régulière de la part de professionnels médicaux qualifiés.
Chirurgien orthopédiste, membre de la Société française de chirurgie orthopédique et Traumatologique (SOFCOT) et Président –Fondateur de l’Association Européenne de Rech.
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