Vaincre les préjugés

La vie sexuelle, « dernier tabou » ?

Publié le 02/05/2013

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Crédit photo : MediaforMedical

QUEL QUE soit leur âge, les êtres humains ont besoin de sentiment. Ni le grand âge ni le déclin cognitif ne diminuent le besoin d’affection, d’intimité et/ou de relations sexuelles.

La sexualité et l’intimité sont des besoins de base nécessaires au bien-être de tout homme. Les obstacles au maintien d’une activité sexuelle chez les sujets âgés peuvent être des facteurs physiques comme un déficit sensoriel et moteur, une altération de l’image du corps, un repli sur soi, une perte d’identité, un manque d’autonomie, un ralentissement, un déficit cognitif ou une dépression. Les médecins, ceux qui sont recensés comme sexologues mais aussi les gériatres, les endocrinologues, les psychiatres et plus généralement le personnel soignant sont à même de parler de sexualité.

Ne pas materner ni infantiliser les personnes âgées.

Chez les sujets les plus âgés, le droit à la sexualité est souvent nié, ignoré ou stigmatisé. En effet, leur sexualité peut passer pour déplacée, ridicule, dangereuse, voire hors normes. Ainsi, il y a une vingtaine d’années seulement, il était banal d’entendre dire que « les personnes âgées n’ont pas de désir sexuel », qu’elles ne sont « pas attirantes physiquement donc pas désirables » et que « le sexe chez les personnes âgées est honteux et pervers ». Ces réticences fréquentes s’expliquent souvent par le fait que la sexualité de la personne âgée renvoie à celle de l’observateur, qui oublie alors ses propres besoins en tant que personne. De plus, en institution gériatrique, « carrefour entre lieu de vie, lieu de soin et lieu de mort », les soignants sont soumis à une contradiction entre volonté de préserver l’intimité et devoir de l’enfreindre, pour l’hygiène, la toilette ou les soins (1).

Ainsi, le couple en maison de retraite « peine à trouver un équilibre », Le personnel comme les familles oscillent souvent entre une représentation fusionnelle du couple âgé, dans laquelle les partenaires sont indissociables, et une représentation chaste et asexuée qui impose la séparation. Cela semble dépendre du fonctionnement défensif des professionnels et des familiers, qui ne doivent pas être conduits à materner ou à infantiliser les personnes âgées (1). L’intimité peut avoir plusieurs définitions. Il est néanmoins généralement accepté qu’on se tienne la main et que l’on s’embrasse dans une institution, mais certains autres comportements sexuels sont considérés comme choquant et outrageant.

Démence et sexualité, des points clés.

Un guide traitant de la démence, de la sexualité, de l’intimité et des comportements sexuels en maison de retraite a été récemment rédigé par le centre international de la longévité (2). Ce document rappelle des éléments essentiels :

- certains résidents déments auront des besoins sexuels ou sensuels,

- l’affection et l’intimité contribuent au bien-être des résidents,

- certains patients déments peuvent avoir la capacité de prendre les décisions concernant leurs besoins,

- s’il est envisagé qu’un résident n’est plus capable de décider, l’EHPAD doit le protéger contre tout tort,

- il n’existe pas de règles générales et absolues ; chaque cas doit être jugé sur une base individuelle,

- tous les déments ne sont pas hétérosexuels,

- les comportements sexuels inappropriés ne sont pas si communs dans la démence,

- il faut confronter nos attitudes et comportement à l’égard du sexe et la vieillesse en général,

- il faut communiquer et voir comment améliorer la communication avec les collègues, les directeurs, résidents et soignants sur ce sujet.

Enfin, il semble important de surveiller le bénéfice de la relation au long cours pour chacun des résidents et de savoir intervenir au besoin en concertation pluridisciplinaire, comprenant les proches, dans le respect… encore une fois sans materner ni infantiliser.

* Hôpital Broca, Paris

Références

(1) Ribes G, Abras-Leyral K, Gaucher J. Le couple vieillissant et l’intimité. Gérontologie et société 2007; (3) 122: 41-62.

(2) Bamford SM. The last Taboo a guide to dementia, sexuality, intimacy and sexual behavior in care homes. ILC.-UK. 2011 [en ligne : www.ilcuk.org.uk].

Dr GÉRARD BOZET