« La puissance sexuelle, attribuée par Dieu à l’homme, est immense, et censée augmenter avec l’âge. On la nomme an-nafs, c’est-à-dire l’âme, l’air qu’on respire. Un homme se définit par sa virilité » explique le Dr Chekib Guessous, radiologue et anthroposociologue à Casablanca. C’est dire que toutes les ressources, produits aphrodisiaques, herboristerie, amulettes, rituels et magie sont mobilisées pour la conserver.
On distingue trois types de magie ; noire, connue depuis le Moyen Âge, qui attaque, détruit ; blanche qui répare et apaise et plus récemment la magie rouge, plus spécifiquement tournée vers les problèmes sexuels et l’attachement.
Trouver le coupable avant tout
Un épisode est particulièrement menaçant pour la puissance sexuelle : la nuit de noces. Axée à la fois sur la preuve de la virilité du mari et celle de l’honneur de l’épouse, c’est un défi parfois difficile à relever pour un homme jeune, sans expérience, mis dans des conditions de stress. Un éventuel échec sera attribué aux pratiques magiques de ses ennemis. Des maléfices qui devront être combattus par une magie plus forte, pratiquée par les femmes ou par les fquihs, qui utilisent la magie et une science issue du Coran.
Dans l’impuissance sexuelle, la sorcellerie sera invoquée. Il s’agit très souvent d’une femme trahie – qui rendra l’homme impuissant pour les autres mais performant pour elle – ou d’une personne envieuse. Comme dans beaucoup de pays méditerranéens, le mauvais œil peut même être jeté involontairement via un compliment « Que votre femme est belle ! » et le mari s’en trouve… bien marri.
« Ces représentations socioculturelles exonèrent totalement l’homme, son corps, son fonctionnement psychique, de la dysfonction sexuelle. Elle relève toujours d’une intervention étrangère, et tout l’enjeu est de retrouver le coupable pour guérir et/ou lui renvoyer son sort », reconnaît le Dr Guessous.
La puissance sexuelle peut aussi être mise en danger dans diverses circonstances. Le froid est réputé menacer la virilité, il faut donc s’en garder en consommant des aliments qui en protègent.
Autre époque particulièrement exposée, l’avancée en âge. Dans la mesure où la notion d’andropause n’existe pas au Maghreb, l’homme est censé garder la même puissance sexuelle tant qu’il est vivant. Il se tourne alors volontiers vers une autre partenaire et, en cas d’échec, vers des remèdes divers et la magie. Voire maintenant vers la fameuse pilule bleue qui fait fureur, y compris chez les plus jeunes.
Et la femme dans tout ça ? La société traditionnelle marocaine nie le désir sexuel féminin… celles-ci ne peuvent donc pas être sujettes à des troubles sexuels. Lorsque les femmes consultent, c’est essentiellement pour renforcer la puissance sexuelle de leur homme et « qu’il n’aille pas voir ailleurs ! » En revanche, leur fonction primordiale étant d’être mère, elles consultent pour leur fécondité ; leur utérus pouvant aussi être « atteint par le froid », tout le savoir magique est dirigé pour le « réchauffer » et le rendre productif.
Le Dr Chakib Guessous est l’auteur de « Mariage et concubinage dans les pays arabes » qui explique comment se développent de nouvelles formes de concubinage « halalisées », pour adapter légalement les unions modernes au changement sociétal, sous couvert de la tradition
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