D’emblée, le propos se veut un peu décalé.
« Je ne suis pas certain que nous ayons en France un problème de coût des nouveaux médicaments du cancer, ni même du coût de l’innovation en général. Nous avons surtout un problème de financement de l’innovation, ce qui est quand même un peu différent », explique Philippe Lamoureux, directeur-général des Entreprises du médicament (Leem). « Et je crois que ce débat sur le coût des nouvelles thérapies du cancer doit être l’occasion de faire évoluer notre système de santé pour faire émerger des modes de financement adaptés à l’histoire de chaque produit », ajoute-t-il.
Philippe Lamoureux ne conteste pas le fait que certains prix, annoncés aux États-Unis, puissent susciter des interrogations en France. « Mais il est important de rappeler qu’en France, les prix sont administrés par les pouvoirs publics et ne sont donc pas fixés librement par les industriels. On le sait : dans notre pays, le prix d’un médicament est fixé à l’issue d’une longue procédure d’évaluation. Celle-ci commence par l’évaluation du Service médical rendu (SMR) et de l’Amélioration du service médical rendu (ASMR) par la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS). Puis, cette procédure se poursuit avec la fixation du prix par le Comité économique des produits de santé (CEPS). Depuis deux ans, cette procédure comprend aussi une évaluation médico-économique assurée par la HAS », détaille Philippe Lamoureux.
Selon lui, le système actuel ne permet pas de financer réellement l’innovation thérapeutique. « Les pouvoirs publics font l’inverse de ce qu’il faudrait faire, avec ce principe d’une enveloppe fermée pour les dépenses de santé. C’est un système qui montre ses limites face à certaines molécules très innovantes qui constituent une authentique révolution thérapeutique pour les patients. Car même si ces molécules ont un coût de départ qui peut sembler élevé, au final, elles sont généralement « coût-efficaces ». Et l’enjeu, aujourd’hui, est de pouvoir restituer tous les gains d’efficience que génèrent ces nouvelles molécules dans notre système de santé. Or, ces gains d’efficiences ne sont pratiquement jamais reconnus en France », regrette Philippe Lamoureux, en ajoutant que, par exemple, le développement de nouvelles chimiothérapies « permet de prendre en charge de plus en plus de patients en ambulatoire. Ce qui est un enjeu majeur pour notre système de soins ».
« Tant qu’on raisonnera avec ce système d’enveloppes fermées, on continuera toujours à dire que l’innovation de rupture pose un problème de coût alors que la priorité est d’abord de diversifier les outils permettant d’adapter les modes de financement au profil de chaque médicament. Parmi ces outils, on peut citer le système de paiement à la performance, les accords de prix conditionnel, les accords de juste prescription ou les remises glissantes. Et c’est en faisant évoluer notre système de santé vers une plus grande reconnaissance des gains d’efficience engendrées par l’innovation qu’on parviendra à réellement financer celle-ci », indique Philippe Lamoureux.
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