« L’encadrement juridique de la télémédecine se base sur le droit commun, il aurait peut-être mieux valu élaborer un régime juridique spécial. Ce choix du législateur peut sans doute s’expliquer par une volonté de gain de temps, mais on peut craindre que le manque de cadre spécifique puisse constituer in fine un frein au développement de la télémédecine », souligne Me Lina Williatte Pellitteri.
À l’instar de ce qui est la règle dans une prise en charge classique, le médecin doit informer son patient sur son traitement, ses risques…, dans le cadre d’une pratique médicale via la télémédecine, il doit en plus l’informer sur le procédé utilisé, ses risques, les différences avec la prise en charge classique, car le législateur a souligné que le patient doit consentir de manière éclairée. « Il s’agit là d’une nouvelle obligation pour le médecin et d’un nouveau droit pour le patient ». Le droit au respect du secret médical a bien été rappelé par le décret du 19 octobre 2010. Il faut en outre un accord du patient pour que ses données de santé soient inscrites sur la base tenue par un hébergeur de données, ce qui lui donne le droit de refuser ce stockage d’informations. Le patient a également le droit à une prise en charge sécurisée : la mise en œuvre des actes de télémédecine garantit l’identification du patient, l’authentification des professionnels de santé et l’accès des professionnels de santé aux données médicales. « Ce qui signifie notamment que ce n’est pas au patient de vérifier si la personne faisant la téléconsultation est bien un médecin et non pas un usurpateur, mais à celui qui met en place le procédé », précise Me Lina Williatte Pellitteri. « Le patient a ainsi de nombreux droits, comme c’est d’ailleurs le cas dans l’exercice classique de la médecine, mais le développement de la télémédecine pourrait peut-être conduire à affirmer également des devoirs, ce qui marquerait une évolution dans la conception française du droit des patients ». En effet, en particulier avec la télésurveillance, le patient devient un vrai acteur de sa prise en charge, puisque sa compliance est indispensable au bon déroulé et à l’efficience du procédé.
Toutefois se pose bien sûr au préalable la question de l’éligibilité du patient : tous les patients ne peuvent pas bénéficier d’une télésurveillance, ce qui implique que le médecin doit savoir évaluer en amont la capacité du patient à participer à un tel système.
Le souci de la confidentialité
Pour Bernadette Devictor, qui préside le CISS-Rhône-Alpes (Collectif interassociatif sur la santé région Rhône-Alpes), « l’intérêt des usagers pour la télémédecine est clair et manifeste, puisque ce nouveau mode d’exercice de la médecine peut permettre de réduire l’inégalité d’accès aux soins de qualité. Mais nous sommes très vigilants, notamment sur le respect de la confidentialité des données, le recueil du consentement, le niveau de compétences des médecins intervenants ». Par exemple, en cas de télélecture de clichés radiologiques, il est important de savoir où les radios vont être lues. Et la qualification des « lecteurs ». De même, dans le cadre de la télésurveillance, l’intimité du patient doit être respectée et les technologies à distance ne doivent pas devenir invasives.
« Le recueil des données ne peut quant à lui être systématiquement écrit, cela ne serait pas réaliste. Mais il doit s’inscrire dans une démarche d’éthique, de relation à l’autre, afin que la personne qui donne son consentement le fasse en ayant bien compris les enjeux. Ceci souligne l’intérêt de mettre en place une information générale du grand public sur ce qu’est la télémédecine. Enfin, dans un contexte où l’évolution se fait vers le développement du maintien à domicile, il nous faut réfléchir à la façon dont ce maintien peut être facilité, dans le respect de la vie privée », insiste Bernadette Devictor.
D’après un entretien avec Me Lina Williatte Pellitteri, professeur de droit à l’Institut catholique de Lille et avocat au barreau de Lille, et Madame Bernadette Devictor, présidente du Collectif interassociatif sur la santé de la région Rhône-Alpes.
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