Une nouvelle consultation de prévention

Dès 50 ans, combattre la fragilité

Publié le 03/02/2011
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Crédit photo : S. TOUBON

WILLY VANDENBUCCKE est à la veille de ses 59 ans. Muscles saillants, barbe soigneusement taillée masquant de fines rides, il montre une volonté tenace de maîtrise. Et répond sans hésiter, au gériatre Henri Naga qui lui demande si sa santé le préoccupe : « Oui, beaucoup, je refuse de subir ! » Depuis quelques années, cet aficionado de parapente sent que ses conditions physiques s’amoindrissent. « Or, je préfère prévenir que guérir et bien vieillir. » C’est pourquoi il s’est décidé à se rendre à l’hôpital de jour, dans le service du Dr Jean-Philippe David, qui propose depuis le 1er septembre des consultations de prévention de la vieillesse à partir de 50 ans pour des personnes sans problème de santé.

« La prévention est encore mal connue en France, la médecine classique met davantage l’accent sur les pathologies », reconnaît le Dr David. Pourtant, elle serait le remède à la dépendance. « Il y a quelques années, nous travaillions en aval des pathologies, avec des patients de plus de 80 ans, mais ils peinaient à retrouver leur autonomie. Aujourd’hui, nous souhaitons nous adresser aux jeunes seniors de plus de 50 ans pour les aider à sauvegarder leur indépendance. »

Comment repérer les signes avant-coureurs de la vieillesse ? En identifiant chez les consultants leur fragilité, un concept né en Amérique du Nord il y a trente ans et tout juste reconnu en France. « C’est une baisse des réserves de l’individu, qui limite ses capacités à répondre aux pathologies et prédispose à une perte d’autonomie », explique Jean-Philippe David. Cette fuite des réserves accumulées durant la période de maturation (20-40 ans) commence, silencieusement, sans symptôme apparent, à partir de 50 ans. Alors que l’on peut encore agir : « Si l’on détecte la vulnérabilité d’un quinquagénaire, nous pouvons le conseiller pour retarder la sénescence ».

Une journée pour un diagnostic.

Deux heures durant, le Dr Naga questionne Willy Vandenbuccke dans une petite salle de l’hôpital Émile-Roux. Le gériatre s’appuie sur le questionnaire dit de l’Iowa sur la qualité de vie, que le consultant est chargé de remplir au préalable et d’apporter à sa première visite, ainsi qu’une enquête nutritionnelle, une IRM cérébrale, et les résultats de tests podométriques. Les questions portent tantôt sur la nutrition, la qualité de vie, tantôt sur les relations sociales, le parcours professionnel, ou encore les antécédents médicaux. « J’essaie de créer un climat de confiance pour que la personne se dévoile et révèle des incidents oubliés, comme une chute, qui pourraient avoir des répercussions par la suite », décrypte Henri Naga.

Le médecin soumet ensuite Willy Vandenbuccke à des exercices de mémoire (calcul mental, test de l’horloge, mémorisation de mots ou rappel de dates…), avant de le faire se mouvoir dans la pièce et de pratiquer quelques évaluations : miction, tension artérielle, vitesse du pouls, masse musculaire… Pas question pour autant de faire un check-up pour rechercher des pathologies. À travers ces analyses, le gériatre établit un tableau à cinq critères, pour déterminer le degré de vulnérabilité du consultant : mobilité, sociabilité, état cognitif, nutritionnel et enfin incontinence. L’après-midi sera consacré à toute une autre batterie de mesures (anthropométrie, ostéodensitométrie…), afin d’établir un bilan biologique complet.

Dans trois semaines, Willy Vandenbuccke retournera voir le gériatre, pour une consultation de conseil. Car tout peut se rééduquer. « Une faible amplitude de la cheville, très courante chez les personnes âgées, peut être contrée par des exercices, précise Jean-Philippe David, tout comme l’incontinence, qui se soigne très bien ». « Tout l’enjeu est de trouver les bons arguments pour convaincre le consultant », ajoute-t-il, en soulignant l’importance des progrès visibles. Car c’est bien le consultant qui devient dès lors son propre guérisseur, même si le médecin traitant peut recevoir un compte rendu de la consultation afin d’assurer un suivi à long terme. « Les personnes ont déjà eu le courage de se soumettre à plusieurs analyses alors qu’ils se portent bien, ils sont généralement très réceptifs à nos recommandations ».

À l’encontre d’objectifs de rentabilité immédiats, ce type de consultation préventive recèle sûrement la solution contre la dépendance, estime Jean-Philippe David. Il espère, dès le milieu de l’année, ouvrir un hôpital de jour dédié à l’éducation thérapeutique.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 8899