LA MÉDECINE du travail a résolument pris la voie du changement en 2012.
Les deux décrets d’application de la réforme votée en juillet 2011 sont parus le 30 janvier, la loi est entrée en application le 1er juillet, et une circulaire émanant de la direction générale du travail est venue expliciter les transformations des services de santé au travail le 9 novembre.
Sur le terrain, la réforme divise toujours autant et les incertitudes persistent. Seul fait consensus l’inéluctabilité de la crise démographique : aujourd’hui 6 500, les médecins du travail ne seront plus que 2 300 en 2030.
Trompe l’œil.
En réaction, la loi a créé des équipes pluridisciplinaires dans les services interentreprises. « C’est une réponse en trompe-l’œil » dénonce le Dr Jean-Michel Sterdyniak, nouveau secrétaire général du syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST). « Embaucher 5 ou 6 techniciens ergonomes alors que le nombre de médecins diminue ne permet pas de répondre à nos missions ». Il reste sceptique sur la mise en place d’entretiens infirmiers pour assurer les examens périodiques : « S’il s’agit de combler la pénurie médicale en faisant faire aux infirmiers le même travail, payé moins cher, c’est non ». Il juge tout aussi ambigu le rôle des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) : « seront-ils appelés à la demande de l’employeur pour améliorer la productivité ou rentrer dans les clous de la législation ? »
À l’Association des centres médicaux et sociaux de santé au travail de l’Ile-de-France (ACMS), qui suit 1 million de salariés, on croit au recrutement pour compenser la diminution à venir des 250 équivalents temps plein de médecins. Le service a l’ambition de passer d’une vingtaine d’infirmières du travail à une centaine et d’embaucher des médecins collaborateurs, un statut créé par la réforme. « La nouvelle réglementation demande moins de médecins du travail », rappelle le Dr Gilles Leclercq, médecin-conseil chez ACMS. La réforme change jusqu’à la nature du métier, davantage tourné vers l’animation et la coordination de l’équipe. « Certains médecins sont favorables, les autres moins : des formations en conduite de projet et management sont nécessaires », reconnaît le Dr Leclercq.
L’alerte de la Cour des comptes.
Cela sera-t-il suffisant pour mener de front les deux missions de la santé au travail, surveillance de l’état des salariés et prévention ? La Cour des Comptes dans un récent rapport sonne l’alarme : « Aucun des services que la Cour a contrôlés n’est en mesure d’assurer l’ensemble des examens médicaux réglementaires qui lui incombent et notamment pas la visite périodique », tant les médecins sont embolisés par les visites d’embauche et de pré-reprise. Les sages de la rue Cambon préconisent de revenir urgemment sur l’obligation de la visite d’embauche, faute de quoi la réforme sera un coup d’épée dans l’eau. Le Dr Gilles Leclercq approuve : « 2 millions d’examens médicaux sont réalisés par les services de santé en Ile-de-France en un an. Or 9 millions de contrats d’embauches sont signés, qui demanderaient 9 millions de visites : c’est impossible ».
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