C’est tout d’abord une success-story édifiante. Né à Séoul, le petit Kim Jae Duk est recueilli par une famille française et il effectue un parcours universitaire brillant : doctorat en médecine (université de Dijon), master en sciences cognitives (université Paris-Descartes), doctorat en neurosciences (université de Lausanne), spécialité en IRM cérébrale ; il est aussi doué en musique, claveciniste, il se produit avec le pianiste Alexandre Tharaud et sort un single avec le rappeur Doc Gyneco. Le Dr Son-Forget se passionne aussi pour le tir, classé parmi les vingt meilleurs Français, et les arts martiaux.
Et, en même temps (comme on dit chez les macronistes), il s’engage en politique, anime la section genevoise du PS, préside le comité du Parti socialiste européen et c’est en premier de la classe de la macronie qu’il est brillamment élu en 2017 dès le premier tour député LREM de la 6e circonscription des Français de l’étranger (Suisse et Liechtenstein).
La belle histoire ne tarde pas alors à prendre des virages de plus en plus trash et à virer au chaos. Le jeune parlementaire s’autorise « une liberté de ton qui se démarque », comme il le revendique sur son compte Twitter (42 000 abonnés). JSF fait le buzz. Il apporte son soutien à Marcel Campion qui tient des propos homophobes. Il s’en prend au physique d’une sénatrice écologiste. Il publie un selfie aux bras d’Alexandre Benalla, connu pour une affaire de violences en manifestation, il propose même à l’ex-garde du corps de l’Elysée de devenir son collaborateur, il relaye un lien avec la vidéo pornographique qui fera chuter Benjamin Griveaux aux municipales de Paris. Il met encore en ligne des films où on le voit s’entraîner au tir et manier le sabre. Il twitte que Donald Trump souffre d’incontinence urinaire et fécale. Il multiplie les messages au ton familier et, selon un de ses collègues, « il fait ressembler l’Assemblée à une école du cirque ».
« Go-beetween entre Macron et Marion »
Politiquement, explique-t-il au «Quotidien», « j’accomplis un voyage politique qui me ramène aux positions qui ont toujours été les miennes, à droite ». Oubliées les années PS. Et les années LaREM. JSF postule sans succès à la présidence du groupe LREM pour finalement s’en éloigner, rejoindre le groupe UDI, le quitter à son tour. Aux derniers twitts, il prend la pose aux côtés de Marion Le Pen, confessant une amitié naissante avec l’ex-députée FN, fondatrice d’une école de sciences politiques au sein de laquelle il projette d’intervenir. Aujourd’hui, il fait part de son ambition d’être « le go-beetween entre Macron et Marion. »
Les polémiques enflent autour de celui que le HuffPost qualifie de troll. Les médecins députés macronistes et ex-macronistes sollicités par «Le Quotidien», sont unanimes à exprimer leur embarras. Ils s’expriment à chaque fois sous le sceau de l’anonymat. « Ses dérives sont embêtantes, on se demande jusqu’où il ne va pas aller », confie l’un. « Il ne représente que lui-même mais n’est-ce pas déjà trop ? », s’interroge un autre. « C’est une erreur de casting », estime un troisième. D’autres s’aventurent sur le terrain psychiatrique. « Il a bien davantage besoin de prise en charge spécialisée que de critique politique », juge un de ses collègues, tandis qu’un autre se montre très alarmiste : « il va débarquer un jour dans l’hémicycle avec un sabre de samouraï et faire jaillir le sang. » Une députée médecin spécialiste redoutant le pire nous dit avoir saisi de telles appréhensions le président de l’Assemblée et les questeurs. « Ils m’ont tous répondu que le règlement de l’Assemblée ne leur permettait pas d’agir à ce stade », nous déclare-t-elle.
« De tels propos sont gravissimes, réagit l’intéressé, avec à la clé de menaces d’HDT (hospitalisation à la demande d’un tiers) ou d’HO (hospitalisation d’office). Ces collègues n’ont aucune pratique médicale, de même qu’ils n’ont aucune connaissance des arts martiaux, quand ils me décrivent avec un sabre japonais alors que je manie sur le film mis en ligne une épée chinoise d’entraînement, une arme factice. J’ajoute que comme tireur d’élite je n’ai jamais commis le moindre incident. Leurs menaces rejoignent les nombreuses insultes racistes anonymes dont je fais l’objet. Mais que ces petits-bourgeois, ces médiocres N – 10, se méfient, car j’ai la plainte facile et je ne manquerai pas de les poursuivre s’ils continuent à me psychiatriser. »
Le Dr Son-Forget se rassérène en faisant part des nombreux témoignages de soutien qu’il assure recevoir. « Les Français de la rue m’apprécient et me le disent tous les jours. »
Le service médical de l’Assemblée quant à lui n’est pas concerné par ce que d’aucuns qualifient de « cas ». Pour les députés, comme pour les sénateurs, pour les ministres et jusqu’au président de la République, ceux qui nous gouvernent et qui nous représentent échappent à la médecine du travail et à son contrôle médical.
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