Aéroports de Paris : 9 500 salariés à suivre

Embarquement immédiat dans le service autonome de santé au travail

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Publié le 07/12/2015
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Crédit photo : ADP

Une expertise requise sur les terrains du travail de nuit comme de l'exposition au bruit...

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Avec 1 300 décollages ou atterrissages, 160 000 passagers et 120 000 bagages en soute à gérer tous les jours rien que sur l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, les aéroports de Paris ouvrent l’œil sur 9 500 salariés. Le Dr Dominique Gineste qui pilote le service de santé au travail est un peu la tour de contrôle des risques qui pèsent sur eux.

Ce médecin généraliste a dévissé sa plaque en 2002 pour rejoindre ce poste d’une grande variété ; elle explique qu’elle a voulu d’abord couper court à la solitude. « J’avais besoin de travailler en équipe et nous ne sommes pas trop de quatre médecins pour suivre le personnel de nos aéroports. » En quelques années, elle est devenue experte des risques liés au bruit et au travail de nuit qui impose un suivi tout à fait particulier. « Sur les postes les plus exposés, nous rencontrons le personnel deux fois par an pour déceler un problème auditif ou un déficit intentionnel. Cela impose un contact rapproché et une grande vigilance de notre part. » Alors, elle n’est pas souvent derrière son bureau et sillonne les méandres de l’aéroport près de deux jours par semaine. « C’est un monde à part, une ville en tant que telle, et les solutions que nous pouvons apporter nous amènent aussi à préciser des cahiers des charges pour faire des commandes spécifiques à des industriels. » Le Dr Gineste évoque ce travail minutieux de prise d’empreintes pour réaliser des oreillettes ou des chaussures de protection sur-mesure pour le personnel sur piste.

L’œil rivé sur les conducteurs, les pompiers et les effrayeurs

Un contact toujours différent avec ces salariés répartis sur plus de 200 métiers : agents d’information en aérogare, conducteurs de balayeuse en piste, pompiers d’aérodrome et même des effrayeurs ! « Il s’agit de 35 agents qualifiés en péril animalier », tient-elle à souligner. Leur mission : écarter des pistes toutes les familles d’oiseaux et au sol les renards et divers rongeurs. « Cela peut sembler un peu loin de la médecine et pourtant, nous avons déniché des solutions pour faciliter leur travail et surtout limiter les risques », poursuit Dominique Gineste. Afin de mettre le moins possible les pieds au sol, leurs véhicules sont désormais équipés de différents chants d’oiseaux (du cri d’amour à celui de l’attaque) pour faire fuir les volatiles le plus vite possible à l’approche d’un appareil. Mais, cela ne suffit pas toujours et les effrayeurs, aussi équipés de fusils de chasse, sont sujets aux tendinites. La médecine du travail réserve bien des surprises et ces praticiens sur le terrain doivent souvent faire preuve d’imagination. « Nous avons mis au point une sorte de prothèse qui permet de limiter l’effort aux tirs et réduit donc les risques pour nos agents » précise le Dr Gineste.

Autre lieu et autres situations : les choix de revêtement de sol dans les aérogares. « Nous menons des études pour trouver les meilleurs compromis entre la moquette, réputée pour ses qualités acoustiques mais dont les problèmes allergisants sont aussi bien connus », explique Dominique Gineste. Cette clinicienne, qui n’aurait jamais pensé en savoir un jour autant sur la nature des matériaux, est pourtant devenue incollable sur leurs conséquences sur la santé.

La composition des produits de nettoyage fait aussi partie d’une surveillance accrue. En créant un groupe de travail sur les agents chimiques, elle a par exemple considérablement fait évoluer les produits utilisés pour astiquer, sans relâche, les 25 000 feux de balisage de pistes. Finis les détergents remplacés par un produit à base de poudre de coquille de noix nettement moins toxiques. Des précautions qui limitent une nouvelle fois les risques.

Mais d’autres indicateurs clignotent désormais. Le stress des personnels dans les aérogares grandit. L’accélération des opérations d’enregistrement crée de nouvelles tensions. Ces équipes tournent en permanence pour assurer un service 24 heures sur 24 et les personnels sur le départ ne sont plus systématiquement remplacés. « L’activité quant à elle s’accélère et le stress est palpable alors nous profitons des visites régulières pour faire le point individuellement », insiste Dominique Gineste qui devra suivre 5 000 personnes à la place de 2 000 dès l’an prochain. Sa consœur, qui prend sa retraite, doit être remplacée mais pour l’heure les candidats se font attendre, faute de penser à cette spécialité. Pourtant Dominique Gineste ne ferait pour rien au monde marche arrière vers la médecine générale.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9456