17 596 signalements d'agressions et incivilités pour 2016

La violence à l'hôpital, fléau mais pas fatalité

Publié le 28/09/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Une victime « toutes les 30 minutes » et 50 par jour : c'est la triste réalité de la violence dans les hôpitaux français que déplorait déjà, dans son précédent rapport, l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS).

Cet organisme méconnu rattaché au ministre de la Santé collige scrupuleusement depuis 2005 les signalements d'agressions contre les personnes et les biens, déclarés par les établissements volontaires. Et dans son tout dernier panorama dévoilé hier (données 2016), l’ONVS répertorie 17 596 signalements de violences et d’incivilités dans 360 établissements sanitaires et médico-sociaux, nouveau record : 78 % portent sur des atteintes aux personnes et 22 % des atteintes aux biens. « L'augmentation ne traduit pas nécessairement une hausse des violences mais, plus souvent, leur meilleure prise en compte par les hôpitaux et les personnels », confie le ministère qui rappelle la protection pénale dont peuvent bénéficier les soignants.      

La psychiatrie (20 % des signalements), les urgences (13 %) et les unités de soins longue durée/EHPAD (11 %) sont les trois services hospitaliers les plus exposés. « Les services d'urgences sont particulièrement confrontés à la violence : les patients n'y sont pas sereins, les temps d'attente sont souvent longs et les conditions d'accueil pas toujours optimales, souligne Isabelle Persec, directrice adjointe, en charge de la qualité et des droits des patients du CH de Poissy/Saint-Germain-en-Laye. Certaines pathologies psychiatriques ou liées à l'âge peuvent également être à l'origine de l'agressivité des patients. »

Les victimes sont à 84 % des personnels de l'hôpital (infirmiers, aides-soignants, médecins, etc.). Les agents de service (restauration, ménage) ne sont pas épargnés, comme le rappelle Nataliane Thoulon, directrice de la relation clients et de la stratégie santé hôpitaux-cliniques chez Sodexo. 

Radicalisation

La violence envers les personnes peut prendre différentes formes, classées selon leur niveau de gravité (lire ci-contre) – des injures et provocations sans menaces jusqu'aux agressions avec arme.

« Bousculades, menaces avec un doigt pointé et gifles sont les violences physiques les plus représentées, l'usage d'une arme blanche est rarissime, précise Isabelle Persec, en évoquant la situation au CH de Poissy/Saint-Germain-en-Laye. Mais ce que nous observons le plus, ce sont les agressions verbales sexistes, racistes, homophobes. Nous constatons aussi une progression des insultes ou menaces liées à la radicalisation. »

Pour améliorer la sécurité des établissements, les ministres de la Santé et de l’Intérieur ont conçu les accords « santé/sécurité/justice » dès 2005. Ces derniers visent à renforcer la coopération entre les établissements et les services de l'État compétents en matière de prévention de la violence et de traitement de la délinquance (désignation d’un correspondant local police/gendarmerie privilégié, surveillance des services d'urgence, facilitation des procédures d’alerte, de plainte et des démarches). 

Ces accords sont déclinés localement par les établissements et les professionnels de santé. Mais pour être efficace il est indispensable que toute la chaîne de responsabilité soit mobilisée pour apporter une réponse rapide et proportionnée aux faits. « Nous avons signé un accord "santé-sécurité-justice", qui nous permet d'entretenir des liens privilégiés avec le parquet et les commissariats de police, assure Isabelle Persec. Le procureur du département est très "soutenant" vis-à-vis des agents du service public qui sont agressés dans le cadre de leur exercice, via une réponse civile et pénale adaptée. La direction de notre établissement est aussi à l'écoute. Elle est protectrice vis-à-vis du personnel soignant avec l'organisation de formations à la gestion du stress, ou des outils psychologiques et juridiques...».

Rappels fermes au code pénal dans les salles d'attente, affiches en plusieurs langues, videos pédagogiques diffusées aux urgences... De nombreux outils existent pour prévenir la violence et désamorcer les conflits dans les établissements (lire page 3).  

Diminuer la pression

L'agressivité peut également s'exercer entre soignants. « Elle peut être liée à une organisation du travail complexe, à une baisse d'effectif ou à un cumul d'heures postées déraisonnable, explique le Dr François Venutolo, anesthésiste et président de la CME du CH de Gonesse. La maltraitance et les inimitiés peuvent exister à tous niveaux et dans tous les sens. Et il n'y a pas que le médecin qui peut parler de façon hautaine au personnel soignant, les infirmières peuvent également adopter une attitude perçue comme dévalorisante par le médecin ! »

Parce que les causes de la violence en établissement sont protéiformes (attente, fatigue, stress, éducation, âge, etc.), les hôpitaux s'emploient à sensibiliser leurs personnels. « En formant les soignants, nous pouvons faire diminuer la pression dans tous les services de l'hôpital, assure le Dr Venutolo. Nous avons prévu des formations par groupes de 15 à 20 personnes, tous statuts, sur une demi-journée, à compter de septembre. Cette formation basée sur les principes de communication utilisés dans l’hypnose doit permettre de fluidifier le dialogue entre les équipes. L'incivilité à l'hôpital n'est pas une fatalité. »

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9605