L’ITA pour rompre la trajectoire allergique dès l’enfance

Par
Publié le 29/05/2025
Article réservé aux abonnés

L’immunothérapie allergénique (ITA), ou désensibilisation, est un traitement étiologique de l’allergie, administré en solution sublinguale en France. Elle cible les allergènes comme les acariens, les pollens de bouleau et autres bétulacées, ainsi que les graminées. Chez les patients asthmatiques allergiques, elle réduit les symptômes et permet une désescalade thérapeutique. Chez ceux atteints uniquement de rhinite, elle peut modifier la trajectoire de la maladie et prévenir l’asthme, surtout si le traitement est commencé jeune.

L’objectif est d’éviter le développement d’un asthme et d’autres allergies, et d’améliorer le contrôle clinique

L’objectif est d’éviter le développement d’un asthme et d’autres allergies, et d’améliorer le contrôle clinique
Crédit photo : PHANIE

La rhinite allergique voit sa prévalence progresser ; elle concerne 19 % de la population européenne (1), en particulier à cause du changement climatique. Or cette pathologie est au cœur des multimorbidités allergiques. Selon une étude chinoise sur 1 273 patients âgés de 4 mois à 74 ans, elle est la comorbidité allergique la plus fréquente, touchant plus de 60 % des patients (2), souvent associée à la conjonctivite allergique (26 %), la dermatite atopique (21 %), l’asthme (21 %) ou l’allergie alimentaire (10 %).

En cas de symptômes insuffisamment contrôlés par les traitements locaux (antihistaminiques, corticoïdes locaux, décongestionnants), l’immunothérapie allergénique (ITA) constitue une option étiologique : elle atténue les symptômes, réduit le recours aux traitements symptomatiques et modifie l’histoire naturelle de la maladie. Il s’agit de traitements sublinguaux oraux, lyophilisés ou sous forme liquide pour les allergènes préparés spécialement pour un individu (Apsi), élaborés à partir de préparations mères autorisées par l’ANSM, issues d’extraits de pollens (graminées, arbres, herbacées), d’acariens, de phanères ou de moisissures.

Intégration progressive dans l’asthme

Jusqu’en 2017, l’ITA ne figurait pas dans les recommandations du Gina pour la prise en charge de l’asthme. À partir de cette date, « l’ITA a été intégrée pour les adultes asthmatiques allergiques aux acariens avec une rhinite allergique, en cas de contrôle insuffisant malgré un traitement adapté (VEMS > 70 %) », rappelle la Dr Évangéline Clark (CHI de Mont-de-Marsan). Puis, en 2024, la mention de la rhinite allergique a été retirée, élargissant le périmètre.

Pour l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI), chez l’enfant allergique aux acariens dont l’asthme est bien contrôlé, la désensibilisation sublinguale peut être proposée, en complément du traitement de fond, pour réduire les symptômes et les besoins en médicaments. « L’ITA est efficace dans l’asthme allergique, résume la Dr Clark. Elle atténue les symptômes de rhinite et d’asthme, diminue les exacerbations, tout en réduisant le recours aux traitements de fond et de secours. »

En France, la Société francophone d’allergologie (SFA) considère que l’ITA aux allergènes respiratoires constitue, dès l’âge de 5 ans, le seul traitement curatif disponible (1).

Le seul traitement curatif disponible

Mais l’autre enjeu majeur concerne la prévention, notamment chez l’enfant atteint de rhinite allergique sans antécédent d’asthme. « Lorsqu’une ITA est proposée à nos patients pédiatriques, on leur explique, dans le cas d’une mono-sensibilisation, que l’objectif principal est de prévenir une polysensibilisation, expose la Dr Clark. Pour ceux ayant une rhinite isolée, l’objectif est ainsi de maintenir cette situation, et de les aider à éviter la survenue d’un asthme. Ne pas proposer l’ITA aujourd’hui à un patient asthmatique allergique qui conserve des symptômes (rhinite) ou, encore plus, à un enfant rhinitique, est une perte de chance. »

Ne pas proposer l’ITA à un enfant asthmatique allergique est une perte de chance

Dr Évangéline Clark

La France a contribué à alimenter les données en vie réelle sur les Apsi, avec l’étude EfficApsi, publiée en 2024, la plus vaste sur l’immunothérapie sublinguale en solution (3) : elle retient une réduction d’au moins 20 % du risque d’apparition de l’asthme, mais aussi de son aggravation, chez les rhinitiques.

Un ciblage multi-allergènes

Les études se poursuivent sur des ITA avec plusieurs extraits d’allergènes. La poly-allergie est en effet un facteur de risque important dans le développement de l’asthme allergique chez les rhinitiques.

L’étude EfficApsi, a notamment évalué l’effet de l’ITA sublinguale liquide (ITSL-liq) à base d’extraits allergéniques chez 112 492 patients présentant des poly-allergies aux pollens les plus fréquents (bouleau-5G, bouleau-frêne et cupressacées-5G). L’ITSL-liq a permis une réduction du risque d’événements liés à l’asthme, de 31 à 48 % selon la définition utilisée. La réduction du risque d’apparition de la pathologie va de 28 à 35 % par rapport aux témoins.

Une seconde étude allemande présentée au congrès portait sur l’ITA sublinguale liquide associant des extraits de pollens de bouleau, d’aulne et de noisetier, afin d’élargir la couverture épitopique. Cette étude de vie réelle menée entre 2008-2017 a inclus 8 967 patients sous ITA. Jusqu’à six ans en post-traitement, 75 % des patients traités par ITSL-liq ne prenaient plus de traitement pour la rhinite allergique, contre 47 % des témoins, et 54 % étaient sans traitement pour l’asthme, contre 35 %. Avec un risque d’asthme réduit dans le groupe ITSL.

(1) Bousquet J et al. J Allergy Clin Immunol. 2001 Nov;108(5 Suppl):S147-334
(2) Li YT et al. J Clin Med. 2023 Mar 13;12(6):2226
(3) Demoly P et al. Lancet Reg Health Eur. 2024 Apr 26;41:100915

Hélène Joubert

Source : Le Quotidien du Médecin