Prévenir les anaphylaxies périopératoires

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Publié le 29/05/2025
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En ce début 2025, la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar) et la Société française d’allergologie (SFA) publient de nouvelles recommandations sur l’anaphylaxie périopératoire. Message central : seul un travail concerté entre anesthésiste, allergologue et biologiste permet de poser le bon diagnostic et de prévenir efficacement les réactions d’hypersensibilité immédiate.

Parfois, il faut rouvrir le dossier pour identifier des expositions non reconnues

Parfois, il faut rouvrir le dossier pour identifier des expositions non reconnues
Crédit photo : BURGER/PHANIE

En consultation d’anesthésie, la présence d’au moins un facteur de risque de survenue d’une réaction d’hypersensibilité immédiates (HSI) périopératoire doit être recherchée systématiquement et le patient adressé le cas échéant en consultation spécialisée, soulignent la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar) et la Société française d’allergologie (SFA) dans leurs recommandations sur l’anaphylaxie périopératoire, publiées cette année.

Chez les patients ayant un antécédent d’HSI non exploré, il est recommandé de privilégier une anesthésie locale ou locorégionale. Si l’anesthésie générale est indispensable, la classe de curares doit être évitée ; si nécessaire, le cisatracurium est préféré. Pour les réactions survenues sous anesthésie locale ou locorégionale, si l’indication est maintenue, un test de réintroduction encadré en bloc opératoire ou en salle de surveillance post-interventionnelle s’impose.

Concernant la pholcodine, le risque, faible, d’anaphylaxie IgE-dépendante induite par les curares semble écarté, les spécialités antitussives ayant été retirées du marché. Autre produit, la céfazoline est impliquée dans 50 % des réactions d’hypersensibilité liées aux antibiotiques. En présence d’un antécédent d’éruption cutanée isolée après administration de pénicilline chez un enfant de moins de 6 ans, les experts donnent leur feu vert à l’utilisation de la céfazoline en prophylaxie.

Allergies alimentaires, latex

Il y a peu d’évolutions en matière d’allergie alimentaire ou au latex. Le protocole anesthésique est inchangé chez les patients allergiques au soja, à l’œuf, au poisson ou aux crustacés.

En cas de suspicion de sensibilisation au latex, une évaluation clinique ou biologique est nécessaire ; sans certitude, un environnement sans latex est recommandé.

Pour les sulfites, la recommandation a évolué : une hypersensibilité documentée aux sulfites alimentaires n’exclut pas l’usage de médicaments injectables qui en contiennent.

En cas de suspicion d’allergie aux protéines de viande, une consultation d’allergo-anesthésie s’impose. Si le doute persiste, les solutés de remplissage à base de gélatine doivent être évités.
Le problème de l’alpha-gal est bien entendu aussi traité. Contrairement aux héparines standards ou de bas poids moléculaire, d’origine animale, le fondaparinux est une héparine de synthèse, qui ne contient pas de résidu alpha-gal. En urgence, il permet d’éviter facilement les gélatines fluides modifiées. En revanche, l’éviction des colles biologiques (présence d’alpha-gal ou d’héparines) est plus complexe et requiert un bilan allergo-anesthésique approfondi.

Exploration des antécédents

Les tests cutanés pour les curares ayant une excellente valeur prédictive négative, un test de provocation avec des agents anesthésiques intraveineux n’est donc pas indiqué, afin d’éviter les risques associés. Néanmoins, il peut être envisagé si le bilan allergologique rigoureux reste négatif alors que le contexte clinique et biologique évoque clairement une hypersensibilité immédiate périopératoire.

Enfin, en cas de bilan allergologique négatif, trois situations se présentent. Si la probabilité clinico-biologique d’une réaction immédiate est faible, les médicaments suspectés peuvent être réutilisés. Si une cause est identifiée et que les autres molécules sont négatives, ces dernières peuvent être considérées comme sûres. En revanche, si la probabilité clinique reste élevée, ou si une activation mastocytaire est documentée, une évaluation au cas par cas s’impose. Elle implique une relecture du dossier avec l’équipe initiale pour envisager d’autres diagnostics, identifier des expositions non reconnues ou des allergènes non testés (désinfectants, excipients, lubrifiants, hémostatiques) ou encore un trouble mastocytaire sous-jacent.

Hélène Joubert

Source : Le Quotidien du Médecin