La prise en charge et l’évolution du cancer du sujet âgé est bien distincte de celles de l'adulte jeune. « Le cancer du sujet âgé n'est pas différent de celui du sujet jeune (pour la plupart des cancers). Il s'agit de la même pathologie. Mais elle s'inscrit dans un organisme différent puisque le vieillissement entraîne une diminution des capacités d'adaptation au stress », souligne la Pr Laure de Decker, oncogériatre au pôle de gérontologie du CHU de Nantes.
Or les traitements du cancer sont extrêmement stressants pour l'organisme. Dans ce cadre, l'évaluation gériatrique doit notamment permettre de déterminer si le patient âgé va être capable ou non de tolérer le stress induit par le traitement oncologique. « L'impact du vieillissement sur les organes et l'impact des comorbidités (pathologies chroniques, notamment) sont importants car ils majorent la diminution des capacités d'adaptation face au stress. Devant un patient âgé, atteint d'un cancer, le gériatre doit donc déterminer s'il est capable de répondre favorablement aux traitements prescrits par l'oncologue, mais aussi s'il peut en supporter les effets secondaires. Le travail d'exploration gériatrique doit ainsi permettre d'évaluer la balance bénéfice/risque de ces traitements », ajoute la Pr de Decker.
Dialoguer avec l'oncologue…
L'évaluation de l'état général du patient âgé atteint de cancer doit être multidimensionnelle : comorbidités, fonctions sensorielles, statut nutritionnel, thymie et cognition, dépendance, équilibre et marche, prise médicamenteuse, vie sociale… À l'issue de cette évaluation, le gériatre évalue les effets d'un traitement oncologique sur son patient. « Notre rôle est d'informer l'oncologue qui suit le patient des risques potentiels du traitement prescrit et de le mettre en garde lorsque nous estimons que le traitement risque d'apporter plus d'effets indésirables que de bénéfices. L'oncologue est, ensuite, libre de suivre (ou pas) nos recommandations. Une étude menée dans les Pays de la Loire a, néanmoins, montré que nos recommandations sont suivies à 99 % par les oncologues. Et, dans 16 % des cas, nous avons proposé des modifications notables du traitement oncologique », note la Pr de Decker.
Certains médicaments ou chirurgies du cancer chez un patient atteint, par exemple, de sarcopénie, de dénutrition sévère, de troubles cognitif et/ou de dépression risquent en effet de lui nuire plus que de lui apporter un réel bénéfice. « Dans ce cas, nous l'indiquons clairement au cancérologue. L'évaluation gériatrique nous permet ainsi de discuter de façon collégiale avec ce spécialiste afin que la décision thérapeutique soit plus adaptée au sujet », affirme la Pr De Decker.
… et accompagner le patient
Par ailleurs, à l'aube des thérapies ciblées et des nombreux autres traitements innovants du cancer, l'évaluation gériatrique est également nécessaire, d'un point de vue économique : elle permet d'éviter d'initier des traitements onéreux, voués à l'échec. « Le gériatre doit, par ailleurs, suivre le patient âgé traité pour son cancer afin de l'accompagner dans l'évolution de sa maladie. Nous mettons un point d'honneur à ce que sa qualité de vie soit la meilleure possible. La guérison du cancer n'est pas l'unique objectif : un patient guéri de son cancer doit pouvoir continuer à vivre », conclut la Pr de Decker.
D'après un entretien avec la Pr Laure de Decker, oncogériatre au pôle de gérontologie du CHU de Nantes
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