Prescription des anticoagulants après 80 ans

L’importance de la balance bénéfice/risque

Publié le 24/11/2014
Article réservé aux abonnés
1416844356565435_IMG_141838_HR.jpg

1416844356565435_IMG_141838_HR.jpg
Crédit photo : PHANIE

Le bénéfice des anticoagulants est largement démontré dans le traitement de la maladie veineuse thromboembolique et la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) liés à la fibrillation auriculaire (FA). Dans le cas de la FA, les études soulignent que plus le patient est âgé, plus il bénéficie du traitement anticoagulant en raison de l’augmentation du risque d’AVC avec l’âge. En revanche, la fréquence et la gravité des accidents hémorragiques liés à leur utilisation augmentent aussi avec l’âge. « Cela illustre toute la difficulté de l’utilisation des anticoagulants après 80 ans. Dans ce cadre, il faut contrebalancer le risque d’un accident hémorragique (heureusement, souvent non fatal) avec celui d’un AVC, toujours grave, qu’il soit fatal ou responsable de perte d’autonomie », souligne le Pr Olivier Hanon.

Chez un patient de plus de 80 ans, la complexité de la prescription d’anticoagulants réside, ainsi, dans la balance bénéfice/risque que le médecin doit évaluer. Pour cela il peut s’aider de scores de risque. « Pour un patient ayant une FA, nous utilisons les résultats de deux scores : le score CHA2DS2-VASc* qui détermine le risque d’AVC. Et le score HAS-BLED** qui évalue le risque d’hémorragie », précise le Pr Hanon.

De façon générale, les patients de plus de 80 ans doivent recevoir des anticoagulants en cas de FA (car l’âge› 75 ans équivaut à 2 points du score CHA2DS2-VASc et indique les anticoagulants). En cas de risque hémorragique sur le score HAS-BLED, une surveillance accrue et la correction de facteurs de risques doit être mise en place. « Il y a, toutefois, des patients dont le score de risque d’hémorragie -trop élevé- nous empêche de mettre en route un traitement anticoagulant. Dans ce cas, des études très récentes suggèrent de procéder, par chirurgie, à la fermeture de l’auricule gauche (partie du cœur où se forme le caillot). Des travaux doivent, toutefois, être encore menées chez le sujet très âgé pour évaluer la tolérance de cette intervention », explique le Pr Hanon.

Nouveaux anticoagulants

Chez le sujet âgé, l’utilisation des anticoagulants classiques -les antivitamines K (AVK)- est complexe et contraignante : elle nécessite la mesure régulière de l’INR (International Normalized Ratio) qui, dans près de 50 % des cas, ne se situe pas dans les valeurs cibles de 2 à 3 chez des patients de plus de 80 ans en EHPAD. Les nouveaux anticoagulants oraux directs (AOD), offrent un effet pharmacologique beaucoup plus prévisible permettant leur utilisation sans surveillance de l’hémostase. « Une méta-analyse publiée dans le Lancet comparant les AOD et les AVK montre que les AOD sont plus efficaces sur la prévention des AVC (réduction du risque de 19 %) que les AVK. De plus, le risque d’hémorragie cérébrale est diminué de 50 % et celui de mortalité est réduit de 10 % avec les AOD en comparaison aux AVK. En revanche, une augmentation de 25 % des hémorragies digestives est observée sous AOD. Au total le profil bénéfice/risque des AOD apparaît meilleur que celui des AVK. Cependant, les AOD sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale, quand la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml par minute. Afin d’évaluer la tolérance des AOD chez les sujets de plus de 80 ans un registre national appelé SAFIR est en cours pour vérifier, en vie réelle, les résultats des études randomisés », conclut le Pr Hanon.

D’après un entretien avec le Pr Olivier Hanon, hôpital Broca, Paris, président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG)

* Le score CHA2DS2-VASc comprend plusieurs items (âge supérieur à 75 ans ; compris entre 65 et 74 ans ; HTA ; diabète ; insuffisance cardiaque ; antécédent d’AVC ; d’infarctus ou d’artérite des membres inférieurs. Chaque item correspond à un certain nombre de points : deux points suffisent pour orienter le médecin vers la prescription d’un anticoagulant

**Le score HAS-BLED comporte plusieurs critères : HTA, anomalies de la fonction rénale ou hépatique, antécédent d’hémorragie, INR Labile chez les patients sous AVK, âge supérieur à 65 ans, prise d’antiagrégants plaquettaires, AINS ou alcool. Chaque critère correspond à un certain nombre de points : à partir de trois points, le patient a un risque hémorragique

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9368