Prescription en institution

Remettre en question et améliorer les pratiques

Publié le 24/11/2014
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Crédit photo : PHANIE

Avant de prescrire un traitement chez le sujet très âgé « l’impact de la prescription sur la qualité de vie et l’espérance de vie réduite doivent peser dans la balance bénéfice/risque : prescrire un médicament pour prévenir des complications dans 20 ans a souvent peu d’intérêt. Il faut privilégier confort et qualité de vie » explique le Pr Yves Rolland.

Le risque iatrogénique s’accroît avec l’âge. Il est très important en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) où les ordonnances comportent en moyenne 8 lignes de traitements, essentiellement à visée neurologique et cardiovasculaire (reçus par respectivement 90 et 70 % des résidents). Le Pr Rolland insiste sur l’importance à cet âge avancé d’« avoir le réflexe iatrogénique : devant tout symptôme, s’interroger en priorité sur la possibilité d’une origine iatrogénique : arrêter le médicament en cause supprimerait le symptôme qui malheureusement souvent conduit à de nouvelles prescriptions » et de « remettre régulièrement en question les traitements renouvelés depuis des années pour arrêter ceux devenus inutiles voire dangereux ».

Les psychotropes, très prescrits, génèrent le plus de complications iatrogéniques. « 25 % des résidents atteints de maladies neurodégénératives sont sous neuroleptiques, souvent dès les premiers troubles du comportement (agressivité, agitation, déambulation, cris). L’arrêt des neuroleptiques devrait être programmé dès leur prescription. L’équipe soignante leur attribue souvent une efficacité bien supérieure à la réalité et s’oppose à leur arrêt, craignant la résurgence des troubles. Ils sont pourtant souvent transitoires et s’arrêtent avec ou sans neuroleptiques ». Le Pr Rolland en rappelle « la balance bénéfice/risque défavorable : efficacité partielle, effets indésirables bruyants (troubles du rythme cardiaque, accident vasculaire cérébral…) et torpides (sédentarité, anorexie, fausses routes, effets extrapyramidaux) provoquant déclin et chutes. Une prise en charge non pharmacologique serait plus adaptée, mais demande moyens humains et organisation ».

Une étude de l’équipe du Pr Rolland (1) a révélé qu’en institution, les patients déments ont moins accès aux antalgiques que les non déments. « Ils expriment probablement la douleur différemment. Tout trouble du comportement (agitation, agressivité...) chez un patient dément doit conduire à rechercher une cause somatique (globe, constipation, inconfort, douleurs, angoisse). Le recours aux antalgiques devrait être plus systématique face aux troubles du comportement ».

Sous-prescription, mauvais usage …

Le Pr Rolland relève également l’existence du mauvais usage ou de la sous-prescription des médicaments : « Insuffisance cardiaque insuffisamment traitée compliquée d’œdème aigu du poumon (OAP), recommandations peu suivies (la supplémentation en vitamine D qui devrait être systématique en EHPAD pour limiter le risque de chute et de fracture n’est prescrite qu’à 18 % des résidents), traitements hors AMM très prescrits (38 % des résidents ont des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) au long cours responsables de carences vitaminiques, colites à clostridium, pneumopathies d’inhalation) » Une étude (2) appliquant la stratégie DUR d’évaluation des prescriptions (en rapport avec les comorbidités, antécédents, médications inappropriées) menée sur 7 000 résidents, a révélé sur 1 000 ordonnances prises au hasard, 70 % de prescriptions inappropriées, mais surtout 4,9 % de contre-indications absolues et 4,5 % d’interaction médicale majeure.

Comment progresser ? « La HAS a émis des recommandations sur la prise en charge médicamenteuse des personnes âgées en institution. Elle a développé des indicateurs d’alerte et de maîtrise de la iatrogénie à usage des médecins coordonnateurs. Ces documents doivent être connus, consultés et utilisés » conclut le Pr Rolland.

D’après un entretien avec le Pr Yves Rolland, CHU Toulouse

(1) De Souto Barreto P et al. Pain 2013;154(11):2427-31

(2) Cool C et al. J Am Med Dir Assoc. 2014 Oct 2. pii: S1525-8610(14)00536-2.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9368