En France, la consommation des médicaments psychotropes est excessive, particulièrement chez les personnes âgées. Les problèmes portent essentiellement sur une surprescription et une consommation prolongée des benzodiazépines dans les troubles du sommeil et de l’anxiété. Le rapport 2013 de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) montre bien que la consommation des benzodiazépines à visée anxiolytique et hypnotique augmente avec l’âge : la population la plus consommatrice est celle des plus de 80 ans et dans cette tranche d’âge les femmes consommeraient deux fois plus de psychotropes que les hommes. On note également, une surprescription d’antipsychotiques, dans les troubles du comportement dits « productifs ».
« Dans l’étude que nous avons menée à partir de la cohorte Paca-Alz 2010* sur environ 34 600 patients atteints de maladie d’Alzheimer et maladies apparentées, 26,9 % ont reçu au moins un antipsychotique avec 61,3 % de consommation chronique (plus de 3 délivrances dans l’année) », souligne le Pr Sylvie Bonin-Guillaume. Alors que seulement 6 % des patients âgés non atteints de la maladie d’Alzheimer en consomment ». L’étude montre aussi que les psychotropes sont fréquemment associés entre eux. L’association, la plus fréquente était antidépresseurs et benzodiazépines (25 %).
Programme Alerte et Maîtrise de la Iatrogénie (AMI)
La réduction de la prescription des neuroleptiques (NL) dans la maladie d’Alzheimer constitue une priorité en matière de prévention de la iatrogénie évitable. La Haute Autorité de santé (HAS) a ainsi développé le programme Alerte et Maîtrise de la Iatrogénie (AMI-Alzheimer). En effet, l’efficacité des NL pour traiter les troubles du comportement est faible alors qu’ils sont à l’origine d’effets indésirables fréquents et sévères (sédation, risques de chutes, survenue d’AVC, décès…). « Il faut savoir que l’arrêt des NL est possible, sans phénomène de rebond, ni de manque dans la plupart des cas. Cet arrêt ne nécessite pas de modalités particulières, ni de doses dégressives », ajoute le Pr Sylvie Bonin-Guillaume. Avant de prescrire, il faut donc bien identifier les troubles du comportement perturbateurs, vérifier qu’il n’y a pas de facteurs organiques et essayer de mettre en place des techniques non médicamenteuses pour prévenir ou diminuer ces troubles. »
En cas de nécessité, ces molécules peuvent être prescrites pour une durée brève et au plus faible dosage utile avec une réévaluation très régulière.
Antidépresseurs : des traitements trop courts à doses insuffisantes
À l’inverse, la prescription des antidépresseurs chez le sujet âgé réellement dépressif est souvent insuffisante en termes de dose ou de durée. « La prescription devrait être faite pendant au moins un an après la rémission des signes. Or, on estime que dans 30 à 40 % des cas, les antidépresseurs ne sont pas prescrits assez longtemps (en moyenne, trois mois) et à des doses infracliniques… Ce qui pose un problème d’efficience », précise le Pr Sylvie Bonin-Guillaume.
Ainsi, face à une situation de dépression ou face à un patient sous antidépresseur, trois questions doivent être posées : le diagnostic est-il bien fait ? Le traitement est-il à la bonne dose ? La durée du traitement est-elle suffisante ?
D’après un entretien avec le Pr Sylvie Bonin-Guillaume, AP hôpitaux de Marseille
* Bonin-Guillaume S. et al. Thérapie 2014;69(3):213-22
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