LA MOITIÉ des diabétiques de type 2 a plus de 65 ans et 10 à 15 % de la population après 65 ans est diabétique. « Cette population de diabétiques âgés est très hétérogène. Évaluer régulièrement l’état physique et mental des patients est particulièrement important : cela permet de repérer ceux qui sont fragiles ou le deviennent. Ils sont à haut risque d’hypoglycémies et d’entrée en dépendance, explique le Pr Isabelle Bourdel-Marchasson, Pôle de gérontologie clinique, CHU Bordeaux. Quand ils ouvrent la porte du cabinet, la marche lente met la puce à l’oreille. Elle est souvent contemporaine de difficultés d’idéation et d’organisation qui n’aident pas à s’occuper de soi et de son diabète. » Comment alors évaluer la fragilité ? « Je recommande les critères de FRIED (amaigrissement involontaire dans l’année écoulée, marche lente, diminution d’activité physique, perte de force musculaire, sensation d’épuisement) : à partir de 3 critères, le sujet est fragile », précise la spécialiste.
Le traitement cherche à limiter un vieillissement prématuré dû à des complications aiguës (coma hyperosmolaire, infections) ou chroniques (micro et macroangiopathie) et à retarder l’entrée en dépendance. Il s’attache à contrôler la glycémie et les facteurs de risques cardio-vasculaires associés : tabagisme, dyslipidémies (statines sauf après 80 ans), HTA (attention à ne pas sur-traiter : risque d’hypotensions, de chutes…). Dans tous les cas, on sera attentif à adapter les prescriptions à l’évolution des habitudes alimentaires en particulier à la prise ou non d’un repas le soir.
Attention aux sur-traitements.
Si le patient est robuste, se fixer un objectif d’HbA1c entre 6,5 et 7,5 % avec une glycémie à jeun entre 1 g et 1,60 g/l qui fluctue peu dans la journée. C’est parfois difficile : l’HbA1c est entre 8 % et 8,5 %, la glycémie à jeun vers 2 g/l mais elle fluctue peu dans la journée. L’important est d’éviter les variations importantes de glycémie dans la journée. Sinon, recourir à l’insuline.
Si le patient est fragile ou dépendant, essayer de maintenir l’HbA1c entre 7,5 et 8,5 % : ne surtout pas chercher à abaisser l’HbA1c en dessous de 7,5 %.
Le Pr Isabelle Bourdel-Marchasson met en garde contre les fréquents sur-traitements et/ou traitements inadaptés : « Il faut respecter les recommandations : ne pas traiter après 75 ans si l’HbA1c est inférieure à 7 % sans traitement ; Éviter les sulfamides très hypoglycémiants chez les patients âgés a fortiori si l’HbA1c approche 6,5 % ; ne jamais ajouter un 3e antidiabétique oral si l’HbA1c reste très élevée ou que la glycémie fait le yoyo, mais passer à l’insuline avec un schéma adapté ».
Surtraiter est grave : cela expose le diabétique aux hypoglycémies, aux chutes et décompensations. Mais sous-traiter et abandonner le patient à l’hyperglycémie est aussi à éviter : outre le risque de coma hyperosmolaire, l’hyperglycémie altère la qualité de vie, majore l’incontinence urinaire, les infections, les troubles du comportement des dépendants et déments, et ne protège pas des hypoglycémies. Les patients difficiles à traiter dont l’HbA1c est élevée, sont les plus à risque d’hypoglycémie.
Une maladie au long cours.
Il est essentiel de réévaluer régulièrement le statut du patient. Le changement est évident s’il survient brutalement (AVC...) mais il est parfois plus subtil. Une amélioration spontanée du contrôle de l’HbA1c n’est en général pas un bon signe : elle correspond souvent à une détérioration de l’état général du patient et à son entrée en dépendance. Il s’alimente moins, la glycémie baisse... Il n’est pas rare qu’un patient finisse par ne plus avoir besoin d’hypoglycémiant. D’où l’importance d’une évaluation annuelle périodique et du dosage trimestriel de l’HbA1c. Les traitements doivent être modifiés et les posologies diminuées au fil du temps. Vers 85-90 ans essayer un traitement à mi-dose n’est pas ridicule, même en absence d’insuffisance rénale.
Les patients fragiles ont souvent une ou deux comorbidités importantes. « Lorsque les traitements d’organes s’additionnent, gérer la complexité devient important ». Dans cette circonstance, le Pr Isabelle Bourdel-Marchasson « recommande une évaluation gérontologique. L’occasion de réviser et optimiser la prise en charge : évaluer les interactions thérapeutiques, limiter les molécules, apporter une éducation thérapeutique adaptée au patient et à l’aidant afin qu’ils sachent reconnaître et réagir en cas d’hypoglycémie et retarder l’entrée en dépendance ».
D’après un entretien avec le Pr Isabelle Marchasson, Pôle de gérontologie clinique, Hôpital Xavier Arnozan, CHU Bordeaux.
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