Lutte contre la dénutrition des seniors

La recette : augmenter le plaisir à manger

Publié le 09/12/2013
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Crédit photo : S TOUBON

EN 2050 en France, il y aura deux fois plus de personnes âgées de plus de 60 ans, trois fois plus de personnes de plus de 70 ans et quatre fois plus de personnes de plus de 80 ans. Le vieillissement s’accompagne de changements qui peuvent avoir une influence sur le comportement alimentaire, limiter la capacité d’adaptation entre besoins nutritionnels et apports alimentaires et conduire à une dénutrition. On estime que ce trouble touche 4-10 % des personnes âgées vivant à domicile, 15-38 % des personnes vivant en EHPAD et 30 à 70 % de celles qui sont hospitalisées.

Lancé en 2009, le projet AUPALESENS (co-labellisé par les pôles de compétitivité Valorial et Vitagora et soutenu par l’Agence nationale de la recherche, ANR) vise à mieux connaître et comprendre les multiples changements susceptibles d’apparaître au cours du vieillissement et plus particulièrement ceux qui mènent aux premiers signes de dénutrition et leur relation avec le degré de dépendance.

Les recommandations actuelles s’appuient sur l’aspect nutritionnel mais ne prennent pas en compte l’aspect sensoriel des aliments.

« Il faut arrêter de prendre en charge la dénutrition comme on le fait actuellement en ne s’intéressant qu’à l’augmentation quantitative des repas en protéines et calories. Il faut prendre en compte les dimensions psychologiques, sociologiques... afin de mieux connaître les préférences et les attentes sensorielles des personnes âgées » déclare le Dr Agnès Sallé du service Endocrinologie - diabétologie - nutrition au CHU Angers.

L’originalité d’AUPALESENS, projet pluridisciplinaire porté par Virginie Van Wymelbeke (CHU Dijon) est de ne pas dissocier sensorialité et nutrition, sans oublier les aspects psychosociaux. En parallèle des stratégies « nutritionnelles », l’objectif d’AUPALESENS était de tester l’efficacité de stratégies « sensorielles » mais aussi environnementales pour prévenir et lutter contre la dénutrition chez les seniors.

Prendre en compte la dépendance.

Ce travail comportait plusieurs volets. Tout d’abord, une enquête pluridisciplinaire et des tests d’évaluation des capacités sensorielles menés auprès de diverses catégories de personnes âgées présentant différents degrés de dépendance (personnes autonomes vivant à domicile, personnes bénéficiant d’une aide à domicile, personnes vivant en institution) ont permis de mesurer l’impact de facteurs sensoriels, psychologiques et sociologiques sur le comportement alimentaire et le statut nutritionnel du senior. Cette enquête a montré que la satisfaction tirée des repas diminue avec la perte d’autonomie. Il ne faut pas se baser uniquement sur l’âge, mais tenir compte de la dépendance pour évaluer le risque de dénutrition.

« Plus le degré de dépendance augmente et plus les personnes s’altèrent sur le plan de leur capacité à apprécier les menus », explique le Dr Agnès Sallé.

Donner la possibilité de se réapproprier le repas.

Différents outils et stratégies permettant d’améliorer la qualité sensorielle des aliments proposés aux seniors (contenu de l’assiette) ainsi que le contexte du repas ont été développés et testés. L’avancée en âge est associée à un déclin des capacités olfactives et gustatives. Puisque la perception du goût a tendance à se dégrader avec l’âge, il faut le stimuler en jouant sur d’autres paramètres comme la saveur et la texture des produits. « Il faut offrir la possibilité aux personnes âgées de se réapproprier le repas en le personnalisant avec une panoplie de condiments, sauces… Elles doivent également se réapproprier la préparation du repas : trop souvent les aidants ont tendance à tout faire ce qui entraîne un désintérêt. Il faut donc aussi changer les comportements et laisser plus d’autonomie à la personne âgée », souligne le Dr Agnès Sallé.

Enfin des repas expérimentaux ont été réalisés au sein de différentes institutions afin de mesurer les quantités ingérées par les résidents en fonction des améliorations sensorielles proposées. Les résultats de ces travaux vont tous dans le même sens et ils démontrent l’efficacité de leviers sensoriels sur le plaisir associé au repas et à la prise alimentaire.

CHRISTINE FALLET

Source : Le Quotidien du Médecin: 9287