De la musique pour les patients Alzheimer.

Cibler les comportements perturbateurs

Publié le 09/12/2013
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LA MUSIQUE est la médecine de l’âme. Une intuition qui n’a pas faibli depuis Platon en 380 av. JC mais qui tarde à faire ses preuves. Si nombre d’arguments convergent en ce sens, l’efficacité thérapeutique de la musique dans la maladie d’Alzheimer n’est toujours pas actée. Et pourtant, nombreuses sont les équipes de psycho-gériatrie qui lui font confiance, dans le cadre d’initiatives isolées. Loin de résulter d’une simple intuition, cet engouement pour la musicothérapie est la conséquence de bénéfices nets observés en institution. Et si les bénéfices sont à ce point observables, c’est qu’ils concernent les symptômes dits « perturbateurs » de la maladie d’Alzheimer. La musique a un effet limité sur les cognitions mais est « efficace sur les comportements agressifs, l’anxiété et la dépression », rapporte le Pr Christophe Arbus, psychiatre spécialisé en géronto-psychiatrie au CHU de Toulouse. Il ajoute : « Ces résultats restent à valider, mais l’intuition est que ça marche ». Une absence de preuves qui n’a pas empêché l’HAS de préconiser l’usage d’interventions non médicamenteuses dans la prise en charge des comportements perturbateurs de la maladie (recommandations 2009).

Éviter une institutionnalisation précoce.

Une revue de la littérature à laquelle le Pr Arbus a participé (1) en souligne les bénéfices : « L’usage de la technique semble diminuer l’incidence et la sévérité de certains troubles du comportement, et réduit l’usage de psychotropes ». C’est ce point particulier qui attire l’attention des spécialistes. Si la musique atténue les comportements perturbateurs, alors elle est susceptible d’éviter une institutionnalisation trop précoce. C’est également la conclusion de l’étude de Delphin-Combe et coll. (2) qui avance le bénéfice net du dispositif Voix d’Or ® (multi-approches) sur l’anxiété des patients souffrant de maladies d’Alzheimer : « L’anxiété est l’un des symptômes psychologiques et comportementaux (SPCD) les plus fréquents. Elle est aussi liée significativement au niveau d’autonomie du patient et à d’autres SPCD tels que l’irritabilité, les cris pathologiques, les délires ou les troubles du sommeil ». Fort de ces conclusions encourageantes, le Pr Arbus s’est engagé dans un essai clinique en simple aveugle sur les bénéfices de la musicothérapie dans la maladie d’Alzheimer. Et plus spécifiquement sur les symptômes psychologiques et comportementaux. Avec pour critère principal d’efficacité… l’arrêt du traitement neuroleptique. « Je veux montrer que la technique peut diminuer la prescription de neuroleptiques », déclare-t-il.

Alternatives.

Des techniques, il y en a plusieurs : active, passive… Le psychiatre toulousain utilise quant à lui une technique d’écoute passive brevetée par le musicothérapeute Stéphane Guétin. Alors que certaines techniques tablent sur la réminiscence cognitive, celle-ci joue sur le pouvoir relaxant. Spécialement composé pour la musicothérapie, le tempo évolue en U, avec un style modifiable par le patient : « Il choisit le style qui lui plaît ». Autre avantage : la technique fonctionne sur tablettes et est ainsi totalement transportable. Si l’essai thérapeutique prouve son efficacité, faudra-t-il encore en comprendre la physiopathologie. « Il reste à prouver ce qui marche, pourquoi ça marche, à quel moment et pour quels symptômes », anticipe le Pr Arbus. Un début de réponse est donné par la neurobiologie qui a déjà mis en évidence l’activation par la musique de circuits neuronaux associés à la gestion émotionnelle. Que la musique puisse influer sur l’architecture neuronale est une hypothèse sérieuse avancée par les neurobiologistes. L’espoir d’un bénéfice dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer est donc très tentant mais loin d’être prouvé. Le Pr Arbus ajoute : « Le questionnement pour la musique est le même que pour la psychomotricité, l’art-thérapie, la réminiscence-thérapie, etc. », en bref pour toutes alternatives médicamenteuses. D’autres études planchent sur ces questions qui devraient aider à mieux comprendre la maladie d’Alzheimer.

(1) Guetin S et coll. An overview of the use of music therapy in the context of Alzheimer’s disease:?A report of a French?expert group, Dementia 12(5) 619–634

(2) Delphin-Combe F et coll. Effet d’une intervention non médicamenteuse, Voix d’Or®, sur les troubles du comportement dans la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée, Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ? 3, septembre 2013 327

 Dr ADA PICARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 9287