Cellules souches embryonnaires

Le champ de la recherche s’élargit

Publié le 26/09/2011
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L’ENTREPRISE Advanced Cell Technology (ACT) a annoncé, la semaine dernière, que l’essai clinique aurait lieu à Londres, au Moorfields Eye Hospital (avec le Pr Robin Ali), et porterait sur 12 patients atteints d’une dégénérescence maculaire, la maladie de Stargardt. « C’est la première fois qu’une autorisation d’essai clinique sur des cellules souches embryonnaires est accordée » ailleurs qu’aux États-Unis, a déclaré Bob Lanza, responsable scientifique du laboratoire ACT. L’autorisation a été délivrée par l’Agence britannique de régulation des médicaments (MHRA) et le Comité de conseil sur la thérapie génique.

C’est en novembre 2010 qu’ACT a entrepris, aux États-Unis, l’essai clinique fait à partir de dérivés de CESh pour soigner cette dégénérescence de la vue. Jusqu’ici, seuls deux patients américains y ont participé. « Nous sommes très contents des résultats et nous sommes en train de programmer deux nouveaux essais sur deux autres patients », a précisé Bob Lanza. L’expérimentation clinique permet aujourd’hui de constater qu’il n’y a pas de toxicité associée mais l’efficacité du traitement reste encore à prouver. Les tests faits par ACT sur des rats ont montré une amélioration de la vue dans 100 % des cas et ont permis à des souris de retrouver une vue « quasi-normale », sans effets secondaires. L’enjeu, dans la maladie de Stargardt, est de savoir si la dégénérescence des photorécepteurs existe indépendamment ou non de la dégénérescence de l’épithélium pigmentaire. Une question importante puisque le traitement consiste à injecter des cellules épithéliums dérivées de CESh.

Si le traitement fonctionne sur les humains, ACT espère s’attaquer à d’autres affections qui entraînent la dégénérescence maculaire, un marché de 30 millions de personnes en Europe et aux États-Unis (dont 80 000 à 100 000 personnes atteintes de la maladie de Stargardt).

Loi peu lisible.

En France, le Pr Philippe Menasché, qui dirige l’unité de thérapie cellulaire en pathologie cardiovasculaire (Hôpital européen Georges-Pompidou), travaille à un essai clinique sur des progéniteurs cardiaques dérivés de CESh pour traiter l’insuffisance cardiaque. Le dossier, en cours, pourrait être déposé en 2012, confirme le chercheur au « Quotidien ». L’essai clinique lancé par ACT à Londres montre que « le domaine avance. Cela ne fait que ressortir la frilosité française », regrette le cardiologue en critiquant l’ambiguïté française. La loi bioéthique du 8 juillet 2011 a en effet maintenu le régime d’interdiction avec dérogations (mais sans moratoire) de la recherche sur l’embryon et les CESh. « Il n’y avait pas d’obstacle légal à ce qu’ACT projette de faire son essai en France », ajoute le Pr Menasché, qui indique qu’une équipe française avait été contactée par l’entreprise américaine. « S’ils ont finalement choisi la Grande-Bretagne, ce n’est pas un hasard », estime-t-il.

Marc Peschanski, directeur scientifique d’I-Stem (Évry), partage ce sentiment. « Notre situation est interprétée, à tort, comme une véritable interdiction. Mais nous avions mis les parlementaires en garde : la lisibilité de notre loi est nulle à l’étranger », témoigne le chercheur qui élabore un protocole d’essai clinique pour des greffes de peau à partir de CESh. « Nous sommes actuellement dans la phase de transfert de technologie. Nous devons changer les protocoles pour les rendre compatibles avec l’usage clinique. Notre essai ne démarrera pas en 2012 », prévoit-il. L’échéance de 2013 lui semble plus plausible.

Pour lui, l’essai clinique lancé à Londres est prometteur, « même s’il y a encore des interrogations scientifiques et pratiques. Le fait que ça se passe en Grande-Bretagne, parmi les très grands spécialistes de l’ophtalmologie expérimentale, me convint. La combinaison ACT et Robin Ali est gagnante. En Grande-Bretagne, il y a une stratégie de rester leader dans le domaine » de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9011