Le transhumanisme, mouvement qui prône l’usage des sciences et des techniques pour améliorer les performances humaines, fascine certains et fait peur à d’autres. « C’est donc pour aborder ce sujet en se basant sur des éléments scientifiques qu’une session du congrès y est cette année consacrée », rapporte Jean-Marie Robine, coprésident de cette session aux côtés de Sandrine Andrieu (1).
L’homme augmenté est de fait déjà une réalité. « La chirurgie de la cataracte en est une parfaite illustration, car à l’occasion de la correction de cette atteinte du cristallin, il est possible de mettre en place un implant capable de corriger en même temps tous les troubles de la vision, indique Jean-Marie Robine. Le patient peut ainsi retrouver une vision bien meilleure que sa vision naturelle ». Autres exemples : les lames de course, prothèses sportives qui permettent aux athlètes de courir plus vite qu’avec des jambes, ou dans un avenir proche le cœur artificiel.
Des interrogations éthiques
« Ces progrès ne vont pas sans poser des questions éthiques, puisque ces innovations technologiques aboutissent finalement à mettre au point des organes de remplacement pouvant être plus performants que les organes humains, interroge Jean-Marie Robine. Mais à l’inverse ils permettent de soulager l’homme de contraintes répétées, comme c’est le cas avec les exosquelettes ».
« Pour autant, peut-on imaginer que l’homme puisse devenir immortel ? Les biologistes cherchent à découvrir les mécanismes moléculaires du vieillissement pour modifier le rythme biologique, un progrès que l’on peut qualifier de systémique. De leur côté, les innovations technologiques ne s’attaquent pas à l’homme dans son ensemble, mais le corrigent de façon émiettée, en pièces détachées. De ce fait, le vieillissement pourrait se faire de façon déséquilibrée, avec d’un côté des mécanismes biologiques qui se dégradent et parallèlement des parties modifiées ultra-performantes, aboutissant à un être moitié homme moitié robot ».
Qu’en est-il des fonctions supérieures ? « Actuellement nous sommes capables d’enregistrer l’activité cérébrale de façon de plus en plus fine, mais sans en comprendre tout le sens. On peut imaginer à terme la possibilité de faire une copie du cerveau, une sorte de sauvegarde qui pourrait être utilisée pour retrouver la mémoire. Certains pensent que c’est un futur possible », rapporte Jean-Marie Robine, qui estime que l’ensemble de ces progrès ne nous rendra pas immortels, mais hétérogènes, avec un risque de rupture d’harmonie. « Une vie sans perte de mémoire peut poser des questions éthiques, car l’oubli est une fonction essentielle ».
« Sans compter les problèmes de financement. L’assurance maladie est une assurance collective destinée à guérir et à limiter les séquelles des maladies ou accidents. Faudra-t-il payer si l’on amène l’homme à un état supérieur ? »
D’après un entretien avec Jean-Marie Robine, Démographe, directeur de recherche à l’Inserm (Cermes 3 et U 1198).
(1) Longévité, immortalité et transhumanisme. Mardi 27 novembre, de 16h30 à 18h.
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