UNE ENQUÊTE rétrospective sur les morts suspectes de nourrissons de moins d’un an a été menée par l’unité 750 de l’Inserm (actuellement U988/Cermes 3) de 1996 à 2000 dans trois régions, la Bretagne, l’Île-de-France et le Nord-Pas-de-Calais. Les données recueillies auprès des services sanitaires (centres de référence de la mort subite inexpliquée du nourrisson [MSIN], services hospitaliers) et des tribunaux ont été recoupées avec celles du CépiDc Inserm (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès). La population de cette étude est constituée de 619 enfants arrivés décédés à l’hôpital dont 32 de mort violente intentionnelle (5,2 %) et de 247 enfants dont le décès a fait l’objet d’une saisine du parquet, dont 89 cas (32 %) de morts violentes intentionnelles. Parmi les 32 morts violentes de l’enquête hospitalière, seules 2 ont été qualifiées d’intentionnelles dans les données du CépidC, les autres apparaissaient sous la dénomination de MSIN, mort naturelle ou mort accidentelle. Sur les 80 morts violentes intentionnelles recensées par les tribunaux, 23 seulement apparaissent comme telles dans les statistiques du CépidC. Ces constats vérifient l’hypothèse de départ de l’étude d’une sous-estimation du nombre des infanticides (homicides pendant la première année de vie). D’après les données officielles, 17 cas d’infanticides par an en moyenne ont été recensés de 1996 à 2000. En fait, selon l’enquête Inserm, qui a dénombré un certain nombre de négligences graves méconnues et de syndromes du bébé secoué considérés comme des décès accidentels, ce sont plus probablement 255 infanticides qui ont été commis chaque année durant cette période. « Ce chiffre, précise Anne Tursz, est probablement un minimum si l’on considère le nombre inévaluable de cas inconnus de la médecine et de la justice ». À cette sous-estimation, de nombreuses causes : essentiellement l’insuffisance d’investigations au niveau du système de soins, avec notamment 49 % de diagnostics de MSN posés sans autopsie, le sous-diagnostic, le non-signalement par le système de soins, la certification des décès sous des causes erronées… Selon Anne Tursz, « l’insuffisance de diagnostic et de signalement par les professionnels tient pour une large part au manque de compétences en médecine légale pédiatrique en France, à la formation insuffisante des médecins aux facteurs de risque et à la sémiologie de la violence, enfin également à cette « aversion de voir » qui concerne la maltraitance de l’enfant ».
Un tiers de néonaticides.
Sur les 80 cas de mort violente intentionnelle, 27 (34 %) étaient des néonaticides (homicide au cours des 24 premières heures de vie). Dans 18 cas, la mère était connue (l’une d’entre elle a commis deux néonaticides au cours de la période de l’enquête et 4 au total). Dans les 9 cas de découverte d’un cadavre, pour lesquels la famille n’a jamais pu être identifiée, deux étaient apparentés entre eux et l’étaient à un troisième né hors de la période d’enquête. D’après l’étude Inserm, le taux moyen annuel de néonaticides est de 2,1/100 000 naissances vivantes, soit 5,4 fois celui donné par les statistiques du CépidC (0,39/100 000).
« L’insuffisance de diagnostic des cas d’infanticide expose à un risque majeur, celui de la répétition, relativement important dans les néonaticides, bien réel également dans le syndrome du bébé secoué. Celui-ci n’est pas comme on le dit parfois un simple « pétage de plomb », souligne Anne Tursz. Plus de la moitié des enfants qui en sont morts avaient des lésions anciennes et étaient suivis médicalement ».
D’après la communication du Dr Anne Tursz (Inserm U988/Cermes 3, Villejuif), auteur de « Les oubliés. Enfants maltraités en France et par la France », Éditions du Seuil.
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