Urologie

Anticholinergiques et cognition, mauvais ménage

Publié le 17/11/2017
Article réservé aux abonnés
Chez la personne âgée, les traitements urologiques sont à manier avec précaution. En particulier les anticholinergiques. Car beaucoup de médicaments, que l’on ne soupçonne pas toujours, ont ces mêmes effets pharmacologiques.
WC

WC
Crédit photo : GARO/PHANIE

En urologie, les symptômes liés aux troubles du bas appareil urinaire sont plus fréquents chez le sujet âgé, qu’ils soient obstructifs ou irritatifs. Après 70 ans, l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) chez l’homme, et l’hyperactivité vésicale et l’incontinence urinaire d’effort chez la femme ont une prévalence en hausse. Aussi, sur cette période, la liste des médicaments devient inflationniste et expose au risque d’interactions. Les plus prescrits, les alpha-bloquants et anticholinergiques sont pourvoyeurs d’effets indésirables, comme l’augmentation du risque de chutes, la majoration des troubles cognitifs ou la dénutrition. Il convient de savoir où peuvent se situer les risques en cas de co-prescription. « Dans l’hyperactivité vésicale, il est clair que les anticholinergiques larga manu n’ont plus le vent en poupe », explique le Pr Gérard Amarenco (service de neuro-urologie, Hôpital Tenon, Paris).

La charge anticholinergique

Il nuance aussitôt son propos en mettant en perspective la notion de charge anticholinergique globale. Car de nombreux médicaments ont un effet anticholinergique insoupçonné, dont la sommation peut être délétère pour le patient. Comme certains antipsychotiques et tricycliques, mais il en existe beaucoup d’autres. Pour les perfectionnistes, il est possible de calculer la charge anticholinergique via l’Anticholinergic Drug Scale ou l’Anticholinergique Rating Scale (que l’on trouve sur internet). Toutefois, dans certains cas, l’indication d’anticholinergiques est formelle, il faut alors se tourner vers les médicaments de dernière génération. Bien sûr, après avoir envisagé d’autres voies thérapeutiques comme la rééducation, l’électrostimulation et les mesures hygiénodiététiques.

L’incontinence, pas anodine

La vraie alternative, malheureusement non encore remboursée, est un bêta-3 agoniste adrénergique, le mirabegron. Son effet pharmacologique est assez physiologique, puisqu’il stimule la relaxation vésicale sans effets indésirables importants. Ces derniers sont cognitifs quand les anticholinergiques bloquent la contraction vésicale et occasionnent constipation, sécheresse de bouche et confusion, d’autant qu’ils traversent la barrière hémato-encéphalique. Un patient souffrant de troubles neurologiques préexistants (démence, maladie de Parkinson, déclin cognitif modéré) est plus à risque de détérioration des fonctions cognitives sous anticholinergiques.
Il faut rechercher une cause d’hyperactivité vésicale comme une constipation, un fécalome, une infection urinaire ou un syndrome génito-urinaire post-ménopausique accessible aux œstrogènes locaux. En tout cas, l’incontinence ne doit pas être banalisée, comme le laisserait croire la publicité autour des protections urinaires. En ce qui concerne la nycturie, facteur de chute, la desmopressine peut être discutée en étant vigilant sur la possibilité d’une hyponatrémie. Il faut aussi prendre en compte l’horaire d’administration des diurétiques pour limiter les mictions nocturnes.

Quant à l’HBP, même si le dépistage reste d’actualité, « il ne faut traiter que les patients gênés », souligne le Pr Amarenco. Il est possible de tolérer une petite rétention tant qu’il n’y a pas de complications – infection urinaire, dilatation du haut appareil, vessie de lutte ou miction par rengorgement.

HBP : gare à l’hypotension

Si le patient est symptomatique, on prescrit des extraits de plantes, ou des alpha-bloquants. Ceux de deuxième génération (alpha-1-sélectifs : alfuzosine, tamsulosine) ont montré une meilleure tolérance cardiovasculaire pour une efficacité comparable aux traitements plus anciens (doxazosine, térazosine). Pour éviter les hypotensions orthostatiques, mieux vaut les prendre au cours du repas, et pas le soir par crainte d’hypotension nocturne. La coexistence d’un traitement de l’HTA, en particulier par inhibiteur calcique, nécessite une réévaluation conjointe du traitement et la recherche d’une hypotension orthostatique. L’indication opératoire d’un adénome prostatique se pose avec l’accord du patient, en cas de complications et en fonction du retentissement rénal.

 

Dr Muriel Gevrey

Source : lequotidiendumedecin.fr