Le 8 novembre dernier, la Haute autorité de santé (HAS) a publié ses recommandations de bonne pratique pour « Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours », dont une partie est consacrée au sujet âgé. En préambule, les experts préviennent que pour les séniors, le diagnostic n’est pas toujours facile à établir « en raison de plaintes somatiques ou de troubles cognitifs au premier plan ».
Pour ces derniers, il convient de se poser des questions sur un éventuel état dépressif sous-jacent, sans oublier que celui-ci peut « inaugurer ou être secondaire à une maladie neurodégénérative (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, etc.) ». La HAS rappelle aussi que « tout épisode dépressif caractérisé chez le sujet âgé comporte un risque suicidaire élevé ». D’après CépiDc-Inserm, en 2011, sur 10 500 suicides, 28 % ont concerné les plus de 65 ans. Pour le Pr Anne-Sophie Rigaud (chef de service de gériatrie à l’hôpital Broca, AP-HP), membre du comité de lecture des dernières recommandations de la HAS sur la dépression : « On tend à associer le suicide au grand âge et à la fin de vie, sans s’interroger suffisamment. Or beaucoup de passages à l’acte sont liés à une dépression qui aurait pu être traitée de manière efficace. »
Mieux que les antidépresseurs
Concernant le traitement, de façon globale, ces nouvelles guidelines font la part belle aux psychothérapies. Chez les personnes âgées, elles « peuvent avoir un effet supérieur à celui des antidépresseurs » (lire encadré). Précision cependant : en cas d’altération cognitive, ces thérapies sont plus difficiles à mettre en oeuvre. « Si la dépression n’est pas trop importante, on débute souvent par une psychothérapie, quitte à ajouter un antidépresseur si les résultats s’avèrent insuffisants, détaille le Pr Anne-Sophie Rigaud. Si la dépression est sévère, on commence généralement par un médicament antidépresseur, puis une psychothérapie est associée quand le patient commence à être amélioré. D’autres fois, les deux types de traitement peuvent être initiés en même temps ». Concernant les antidépresseurs, la HAS recommande d’être vigilant au-dessus de 75 ans, et rappelle que la réponse à ces traitements est plus longue que chez les plus jeunes. Aussi, est-il recommandé d’initier l’antidépresseur à une posologie faible et de l’augmenter progressivement jusqu’à la dose minimale efficace. Une évaluation des effets du traitement doit être effectuée après 6 à 12 semaines.
Savoir identifier les effets indésirables
De façon générale, le choix de l’antidépresseur se fait comme pour tout adulte. Il conviendra bien sûr de surveiller les éventuels effets indésirables à type de : syndrome sérotoninergique, effets anticholinergiques, effet extrapyramidal, hypotension orthostatique, effets cardiovasculaires, nausées, somnolence, risque de chute et de fractures… Une semaine après le début du traitement par inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou après un changement de posologie, un contrôle de la natrémie est recommandé, surtout si le patient âgé prend un diurétique ou présente une insuffisance rénale.
La HAS indique aussi que « les imipraminiques sont exceptionnellement indiqués après 75 ans du fait de leurs effets anticholinergiques pouvant notamment induire une confusion ».
Enfin, les experts alertent sur les risques de rechute chez les personnes âgées. Aussi, pour un épisode dépressif caractérisé, est-il préférable de prévoir la prescription d’un médicament pour « au moins un an après la rémission, car il existe un risque élevé de rechute en cas de comorbidités. »
Quel type de psychothérapie ?
Sans avoir vraiment la preuve qu’une psychothérapie soit plus efficace qu’une autre, on oriente généralement le patient âgé vers des thérapies brèves ciblées sur ses symptômes et le problème qui le met en souffrance. « Cela peut être des techniques de thérapie cognitivocomportementale, ou des thérapies systémiques ou familiales pendant lesquelles on voit le patient avec son entourage. Cinq à sept séances peuvent être programmées, avant de faire un bilan », explique le Pr Rigaud. En pratique, il est souvent difficile de trouver un psychiatre prenant en charge un patient âgé pour des séances de psychothérapie, ou alors éventuellement un psychologue dont les séances ne seront pas prises en charge par l’Assurance maladie.
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