La survenue de complications est fréquente dans les amputations, d’où des taux importants de réhospitalisation et de reprise chirurgicale.
pour le membre inférieur, des douleurs au niveau du moignon sont souvent rapportées. Les causes peuvent être intrinsèques (névrome pathologique, infection, ostéite, ossifications hétérotopiques, atteinte vasculaire ou lymphatique) ou extrinsèques liées au port de l’appareillage prothétique (bursite, compression des tissus mous, compression vasculaire par la prothèse, œdème médullaire, fracture de contrainte).
Le diagnostic repose sur le couplage de la sémiologie clinique et de l’imagerie. « Les signes cliniques sont parfois peu spécifiques et l’imagerie permettra d’infirmer ou confirmer l’hypothèse diagnostique. Certains examens peuvent et doivent même dans certains cas, être réalisés avec la prothèse », a expliqué la Dr Isabelle Loiret (Nancy). « La radiographie conventionnelle et la TDM peuvent mettre en évidence des causes osseuses de la douleur. L’échographie quant à elle, peut montrer des lésions des tissus mous. Elle permet notamment de voir des névromes de très petite taille. » Cependant, l’IRM est la modalité de choix lorsque les autres signes d’imagerie restent indéterminés. L’angio-TDM permet de montrer une compression vasculaire liée à l’appareillage et la lymphoscintigraphie est l’examen de référence pour le diagnostic du lymphœdème.
Névrome et membre fantôme, causes fréquentes de douleur
Les douleurs chroniques de l’amputé les plus fréquentes sont les névromes douloureux et les douleurs du membre fantôme qui sont le plus souvent d’origine neuropathique.
Les symptômes évoquant une douleur neuropathique sont appréciés à l’aide de divers scores et échelles (DN4, EVA, EN, EVS…)
La prise en charge repose en première intention sur un traitement médical interdisciplinaire intégrant les traitements médicamenteux (selon les dernières recommandations françaises de 2020) et la composante psychologique. « Pour les douleurs neuropathiques périphériques focales, en première intention, on utilise les emplâtres de lidocaïne et la TENS. En deuxième intention, la capsaïcine haute concentration et la toxine botulique de type A en injection sous-cutanée », a rappelé le Pr Éric Viel (Nîmes). Si ces mesures ne sont pas suffisantes, un traitement chirurgical peut être envisagé. Il existe de nombreuses techniques. « La TMR (Targeted Muscle Reinnervation) ou réinnervation musculaire ciblée est une technique active qui est peu utilisée en France, par rapport aux pays anglo-saxons. Elle est efficace en cas de névrome douloureux avec des résultats supérieurs au simple enfouissement intramusculaire », a expliqué le Pr Laurent Mathieu (HNIA Percy). En ce qui concerne les douleurs du membre fantôme, une étude récente menée à l’hôpital militaire de Percy a montré une certaine efficacité de ce type d’intervention en curatif. « En revanche, son utilisation à titre préventif reste discutable. »
Le spectre de l’infection
L’infection du site chirurgical est fréquente après une amputation (érythème, augmentation de chaleur locale, retard de cicatrisation, écoulement de pus…). Les principaux facteurs de risque sont le diabète sucré déséquilibré, un âge avancé et le tabagisme qui sont courants parmi la population des amputés. L’infection peut être superficielle, mais elle peut aussi atteindre l’os en profondeur. En cas d’infection profonde, une reprise au bloc opératoire est généralement indiquée (30 % de réadmission à trente jours). « Il n’existe pas de recommandations spécifiques concernant les infections du moignon et l’on se base sur celles des infections de plaie du pied diabétique (SPILF 2023) », a précisé le Pr Albert Sotto (Nîmes). Les prélèvements bactériologiques ne sont indiqués qu’en présence de signes cliniques évocateurs d’une infection. Avant de prélever, le débridement est obligatoire. Il faut débuter une bi-antibiothérapie probabiliste sans délai en cas de choc septique. En cas d’infection de la peau et des tissus mous, l’antibiothérapie est également recommandée.
En ce qui concerne le postopératoire, il est recommandé d’arrêter l’antibiothérapie cinq jours après l’amputation en l’absence de signes cliniques d’infection cutanée ou des tissus mous. S’il persiste une infection, l’antibiothérapie sera poursuivie pour une durée totale de sept jours (ou quatorze jours, en l’absence d’amélioration).
Lorsqu’il est nécessaire, l’arrêt du port de l’appareillage doit être le plus court possible
Dr Anne Brunon- Martinez (Nîmes)
Problèmes cutanés, la faute à la prothèse ?
Sur le plan dermatologique, parmi les pathologies les plus fréquentes, on peut citer les pathologies bulleuses bénignes comme les phlyctènes de friction, localisées à une zone de contrainte et associées à un érythème. Plus rare, la pemphigoïde bulleuse atteint surtout les personnes de plus de 70 ans et demande un avis spécialisé.
« D’autres pathologies sont dues à une hyperplasie épidermique : les papules hyperkératosiques (défaut d’adaptation de la prothèse), l’acné mécanique (exacerbation d’une acné préexistante par les traumatismes locaux) et les kystes épidermoïdes (hyperpigmentés, souvent au niveau de l’aine ou au niveau poplité en réaction au matériel de la prothèse) », a exposé la Dr Anne Brunon-Martinez (Nîmes).
L’hyperplasie verruqueuse est une affection cutanée rare favorisée par l’absence de contact de la distalité du moignon dans la prothèse et l’association d’une stase veineuse et d’une congestion (nécessité d’adapter le système prothétique). Des dermatites allergiques de contact peuvent également apparaître, dues à des composants de l’appareillage (résines, colle, caoutchouc…) ou les produits utilisés en association avec la prothèse (savon, crème…). La dermite de macération n’est pas rare, favorisée entre autres par une élévation de température dans la prothèse. L’hyperhidrose est favorisée par l’utilisation de manchon en gel.
En conclusion, en cas de douleur au niveau du moignon, « la prothèse peut être en cause mais pas toujours, il existe d’autres facteurs favorisants (variation de poids, variation d’activité, état de la vascularisation, comorbidités…). La modification de l’appareillage est souvent nécessaire, mais la durée de l’arrêt du port de l’appareillage doit être la plus courte possible. »
De la toxine botulique contre l’hyperhidrose
L'hyperhidrose du moignon est courante parmi les patients amputés et elle peut entraîner des difficultés dans l'ajustement des prothèses. Quelques études ont montré une réduction de la sudation au niveau du membre amputé et une amélioration du confort du patient avec la toxine botulique. Celle-ci est administrée par voie intradermique, selon un quadrillage des zones de transpiration excessive à l’aide du test de Minor. « La toxine botulique, dans l’hyperhidrose en général, est reconnue comme une alternative sûre et efficace aux antitranspirants peu efficaces et aux traitements chirurgicaux (risques de complications) » a déclaré le Dr Éric Pantera (Nîmes). « Mais pour le cas spécifique de l’hyperhidrose du moignon des études supplémentaires à plus grande échelle, sur des patients amputés sont nécessaires. » Il en est de même pour le traitement de l’allodynie du moignon, pour laquelle la toxine botulique pourrait être prometteuse.
D’après la session « Moignons complexes, quelles explorations ? quelles solutions ? »
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