De l’affaire Mediator à la loi « Bertrand »

Médicament, opération transparence

Publié le 16/12/2011
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Crédit photo : S TOUBON

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CE 15 JANVIER 2011, l’IGAS rend public le rapport que lui a commandé quelques mois auparavant le ministre de la Santé sur l’affaire Mediator. Devant une foule de journalistes, Aquilino Morelle de l’IGAS, lit le long acte d’accusation du Benfluorex, précisant qu’à l’époque de la demande d’AMM du Mediator, « la préoccupation des laboratoires Servier est de présenter ce nouveau médicament comme ce qu’il est peut-être, un adjuvant au traitement des hyperlipidémies et du diabète de type II, et non comme ce qu’il est à coup sûr, un puissant anorexigène ». Outre Servier, tout le monde en prend pour son grade. L’AFSSAPS, accusée « d’incompréhensible tolérance », le système de pharmacovigilance, pour ses « graves défaillances », sans oublier tous les ministres de la santé, à qui le rapport reproche d’avoir géré « avec lenteur les déremboursements de médicaments à SMR insuffisant, aboutissant dans le cas du Mediator, à des résultats inverses à ceux recherchés ».

Xavier Bertrand saisit la balle au bond et promet qu’une loi sur la sécurité sanitaire du circuit du médicament sera présentée avant l’été. Il tiendra parole. Pour ce faire, il met en place les Assises du Médicament, une grand-messe à laquelle tout ce que la France compte de sommités en la matière est convoqué. Chargées, sous la houlette d’Édouard Couty, d’éclairer le ministre et de proposer des voies de réformes, ces assises rendront leurs conclusions le 23 juin, jour même où Xavier Bertrand présentera les grandes lignes de son projet de loi.

Une année sous tous rapports.

Mais entre-temps, l’eau a coulé sous les ponts. Le 27 janvier, le Dr Irène Frachon, la première à avoir mis en évidence les effets indésirables du Mediator, est entendue par l’Assemblée nationale dans le cadre de la mission d’information mise en place. Elle y raconte devant des députés médusés l’accueil suspicieux que lui a réservé l’AFSSAPS en 2009 lorsqu’elle y a fait part des 15 cas de valvulopathie qu’elle avait détectés sur des patients sous Mediator. « On ne retire pas une AMM comme ça », s’entend-elle répondre.

À la même époque, Nicolas Sarkozy confie aux Prs Debré et Even une mission de réflexion sur le système du médicament. Le 15 mars, la publication de leurs conclusions fait du bruit dans le landerneau. Les deux auteurs proposent de placer la commission de la transparence (chargée au sein de la HAS de l’évaluation des médicaments) sous la houlette d’une Agence du médicament complètement réformée. Ils prônent la création d’une cohorte de super-experts internes à l’agence, et suggèrent de se séparer de l’ensemble de ses cadres supérieurs, accusés d’entretenir « l’illusion de l’excellence de leur agence ». Ils préconisent la suppression de la visite médicale.

A la mi juin, c’est au tour du rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale d’être rendu public. Son rapporteur, le député UMP Jean-Pierre Door, et son président, le député socialiste Gérard Bapt y défendent non pas le grand soir de la sécurité sanitaire, mais la réorganisation des agences et l’instauration du dialogue entre elles.

Le 20 juin, l’IGAS rend public son 2e rapport, consacré à l’amélioration du dispositif de pharmacovigilance, et le 23, les Assises du médicament remettent leur propre contribution. Les conclusions seront occultées par la publication, le même jour, du projet de loi de Xavier Bertrand, pour lequel il assure s’être largement inspiré des travaux des assises. Le projet prévoit un renforcement des obligations des industriels, une plus grande transparence des liens d’intérêt, une réforme du financement des agences et du DPC, et un encadrement plus strict de la visite médicale. Quelques jours après, dans une relative indifférence, le Sénat remet lui aussi sa copie. La Haute assemblée reprend l’idée de supprimer la visite médicale.

Aujourd’hui, après plus de deux mois d’examens par les deux assemblées, le projet de loi n’attend plus que sa lecture définitive par l’Assemblée nationale, prévue le 19 décembre, pour être gravé dans le marbre de la loi. « Il y aura un avant et un après Mediator », répétait le ministre de tribune en tribune tout au long de cette année. La mise en application de sa loi sera l’occasion d’en juger.

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9060