« Charlatans » ou « lanceurs d’alertes » : devant l’Ordre, l’affaire Even-Debré fait salle comble

Publié le 22/01/2014
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Crédit photo : AFP

Mardi après-midi, la salle d’audience était pleine au conseil régional de l’Ordre d’Île-de-France... Il ne manquait que les vedettes de la séance, celles dont il a été question pendant une heure et demie : les Prs Philippe Even et Bernard Debré, auteurs du controversé « Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux ».

Les deux médecins étaient mis en cause devant la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre à la suite de plaintes déposées parallèlement par 279 personnes physiques et morales. En cause, certaines pages de leur ouvrage où, dans un style plus que fleuri, ils tirent à boulets rouges sur leurs confrères. Leurs principales cibles : les allergologues et les statines.

Quid de la confraternité ?

C’est à Me Danièle Ganem-Chabenet qu’est revenu l’honneur d’ouvrir les hostilités. Représentant les conseils ordinaux de Paris et de l’Aisne, elle a axé sa plaidoirie sur la question de la confraternité. Elle s’est notamment inquiétée de l’effet délétère que peuvent avoir les écrits des Prs Even et Debré sur le public, posant la question : quand les patients lisent cela, quelle image peuvent-ils avoir du corps médical ?

Le Dr Alain Choux, généraliste parisien qui avait porté plainte à titre individuel, a quant à lui accusé les deux professeurs de « cracher sur 50 000 médecins » et d’avoir pour unique objectif de « faire des droits d’auteurs ». Le « Guide des 4 000 médicaments » est de fait un immense succès de librairie : son heureux éditeur, le Cherche-Midi, estime qu’il s’en est vendu plus de 200 000 exemplaires depuis sa parution en septembre 2012.

Me Antonin Levy, représentant des organisations d’allergologues, s’est pour sa part longuement étendu sur les termes de « gourous », de « charlatans » et de « marchands d’illusions » appliqués à ses clients dans l’ouvrage incriminé.

Les Droits de l’homme à la rescousse

Unanimement, les plaignants ont demandé à la chambre d’appliquer « les sanctions appropriées » à l’encontre des deux auteurs. Des conclusions rejetées en bloc par Me Philippe Blanchetier, le défenseur des Prs Even et Debré. Se fondant notamment sur l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’homme, l’avocat a invoqué la liberté d’expression pour justifier les écrits de ses clients. Selon lui, leur livre n’a pas d’autres objectifs que d’informer le public et d’alimenter le débat scientifique.

Me Blanchetier est allé plus loin en déclarant que les auteurs du « Guide » sont des « lanceurs d’alertes », qui n’ont fait que leur devoir. Il estime donc que l’atteinte au code de déontologie n’est pas caractérisée.

Le jugement a été mis en délibéré, la réponse ne sera connue que dans un mois. Après l’audience, Me Blanchetier nous a déclaré que la seule issue logique devrait d’après lui être « la fin des poursuites » contre ses clients. Si jamais les sanctions allaient au-delà d’un simple avertissement, il pourrait conseiller aux Prs Even et Debré de faire appel, et se dit prêt à porter l’affaire jusqu’à... la Cour européenne des Droits de l’homme.

Adrien Renaud

Source : lequotidiendumedecin.fr