Le « Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux », co-écrit par les Prs Debré et Even, a suscité de vives réactions dans le monde de la santé. Morceaux choisis dans la presse et dans les forums du Quotidien.
Roselyne Bachelot : « Une étude un peu à la louche par des personnes peut-être pas les plus qualifiées »
L’ex-ministre de la Santé, pharmacienne de formation, a été l’une des premières à réagir à l’ouvrage des Prs Debré et Even, dès jeudi matin, au micro de Europe1. « C’est un peu à la louche cette étude, les personnes qui ont fait cette étude ne sont peut-être pas les plus qualifiées pour la mener », a ironisé Roselyne Bachelot tout en reconnaissant la surconsommation de médicaments en France. « Que nous consommions trop de médicaments dans notre pays, c’est tout à fait évident et qu’il faille faire un nettoyage, qui d’ailleurs se fait en continu. Tous les ans, les services en charge de ces questions déremboursent des médicaments, les sortent de la liste […] », explique-t-elle.
Mme Bachelot suggère également de « revisiter » les études d’efficacité sur lesquelles les laboratoires pharmaceutiques s’appuient pour obtenir l’AMM. « On a tendance à prescrire des nouvelle molécules alors que des molécules plus anciennes pourraient être utilisées », conclut-elle.
Marisol Touraine : « Des problèmes qu’on ne règle pas à coup de livre médiatique »
Invitée d’Europe1 vendredi 14 septembre dans l’émission 7-9, la ministre de la Santé a paru un peu agacée par le livre des Prs Debré et Even, estimant qu’on ne règle pas les problèmes « à coup de livre médiatique ». « On en peut pas comparer l’ensemble des médicaments au Mediator. C’est faire injure à l’ensemble de l’industrie pharmaceutique et c’est inquiéter pour rien les Français qui n’ont pas des médicaments de ce type-là dans leur pharmacie », commente Marisol Touraine.
Un médicament sur deux est-il inutile, comme l’affirment les Prs Debré et Even ? La ministre de la Santé renvoie la question à l’Agence nationale de sécurité du médicament, à laquelle elle demande de travailler rapidement et en toute transparence « pour que chaque Français sache exactement ce que sont les qualités des médicaments ». Au passage, elle égratigne tout de même l’industrie pharmaceutique coupable, selon elle, « d’avoir eu tendance à expliquer que tout ce qu’elle produisait était utile, ça n’est évidemment pas le cas et je crois que c’est la raison pour laquelle il faut l’amener à mieux maîtriser sa communication, à ne pas démarcher les médecins comme ça a été le cas par le passé ».
UNOF : « Un pamphlet anti-médicament »
L’Union nationale des omnipraticiens français n’a pas apprécié la sortie médiatique des Prs Debré et Even. Dans une tribune diffusée par courrier électronique, le syndicat regrette les « dangereux raccourcis scientifiques » de ce « pamphlet anti-médicament ». « Votre intervention n’a fait que semer le trouble dans l’esprit de ceux que vous voudriez protéger et que nous devons à nouveau convaincre de l’utilité de leur traitement » s’inquiète l’UNOF qui dénonce une attaque en règle contre les médecins : « […] Vous donnez à croire que tous les médecins mettent leur mouchoir sur leur éthique et sont vendus aux industries pharmaceutiques. Vous laissez penser que chaque jour dans nos cabinets nous ne mesurons pas le bénéfice-risque de traitements dont nous connaissons la toxicité mais aussi le bénéfice pour nos patients. »
Pr Maraninchi : « Un constat statique »
Cité par l’AFP, le Pr Dominique Maraninchi défend le bilan de l’Agence nationale de sécurité du médicament dont il est le directeur général. « C’est un constat statique, les choses évoluent » tant au niveau français qu'européen, souligne-t-il. En terme de réévaluation des médicaments, « le travail qui a été fait en 2011 représente 30% de ce qui a été fait ces quinze dernières années à l'Agence française » du médicament, ajoute-t-il.
Martin Hirsch : « Économiser 5 à 10 milliards d’euros »
Dans un billet publié sur le site du Nouvel Observateur, l’ancien haut commissaire aux solidarités actives prend la défense des Prs Debré et Even, contre les laboratoires pharmaceutiques qu’il accuse d’exercer une pression sur l’ensemble des acteurs médicaux.
« Au moment où l’on traque les déficits publics, dans une situation socialement si difficile, se pose une question simple : le choix entre rogner sur des prestations indispensables aux plus vulnérables ou chercher à économiser 5 à 10 milliards d’euros sur des dépenses pharmaceutiques parmi les plus élevées au mondes, incluant des médicaments, comme le rappelle ce livre, et comme l’a démontré le scandale du Mediator, au mieux inutiles ou efficaces, au pire dangereux », écrit Martin Hirsch.
L’industrie pharmaceutique : « Une confusion regrettable et néfaste »
Le Leem (Les entreprises du médicament) regrette que les Prs Debré et Even entretiennent une « confusion regrettable et néfaste à l’égard des autorités sanitaires, des médecins et de l’ensemble des salariés des entreprises du médicament ». L’organisation professionnelle redoute que leur ouvrage « contribue à alarmer inutilement les malades et risque de les conduire à arrêter de leur propre chef des traitements pourtant adaptés aux maladies dont ils souffrent. »
Et les lecteurs du « Quotidien » ?
Le livre des Prs Debré et Even ne laisse pas indifférent. Il suscite même de l’émoi auprès de nombreux lecteurs offusqués par les attaques contre les professionnels de santé. « Le pire dans cette histoire, c'est le discrédit sur notre profession... A les entendre tous deux, grands pharmacologues (mais que vient faire dans cette expertise un urologue ?), nous sommes tous coupables... d'avoir cru aux recommandations de nos pairs... Je pense en particulier à l'attaque en règle sur les statines... qui va nous valoir quelques semaines difficiles dans nos cabinets pour tenter d'expliquer le bien-fondé de nos prescriptions... Ça a commencé déjà cet après-midi... ! », lance ce médecin, qui s’inquiète également des répercussions auprès des patients.
« Ce livre, à ce que j'en lis, soulève de vrais problèmes. Peut-être son style pamphlétaire peut-il rebuter. Que cela n'évite pas les questions de fond », nuance un autre praticien. D’autres poussent plus loin la critique : « Il faut reconnaître qu'il existe beaucoup trop de médicaments en France (afin de faire tourner le commerce pharmaceutique) et qui plus est peuvent être inutiles… »
A lire sur le sujet l’avis des médecins spécialistes sur le livre des Prs Debré et Even.
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