Protéger les peaux noires du soleil ?

Dans des situations définies

Par
Publié le 16/01/2017
Article réservé aux abonnés

Sujet très actuel dans le petit monde de la dermatologie ethnique, la photoprotection des peaux noires a fait l'objet de controverses après la publication d'une étude (1) américaine en 2014 suggérant de protéger du soleil toutes les personnes de peau noire. « Une équipe française menée par le Dr Antoine Petit (hôpital Saint-Louis, Paris) a répondu aux auteurs de cette étude en indiquant, à juste titre, que la photoprotection est loin d’être nécessaire pour toutes les peaux noires et surtout, peu réaliste tant sur le plan pratique qu’économique », souligne la Dr Camille Fitoussi (Paris).

En effet, contrairement à la peau blanche, la peau noire est naturellement protégée du soleil « car elle contient jusqu’à la couche cornée des mélanosomes de stade 4 remplis de mélanine alors que la peau blanche contient plutôt des mélanosomes de stade 2 ou 3, pas tout à fait matures contenants aussi de la phæomélanine, pigment rouge non protecteur », ajoute la Dr Fitoussi. La mélanine assure cette protection à la fois par un effet physique d’absorption des UV (effet écran), mais aussi par une action de réparation des lésions cellulaires provoquées par ces radiations, et même, d’élimination des éléments trop altérés. Cette efficacité est majeure contre les UVB et un peu moindre contre les UVA. Elle explique le retard du vieillissement cutané ainsi que la rareté des cancers cutanés (hors métissage). En revanche, des études récentes montrent une plus forte sensibilité à la lumière visible avec un risque accru pour certaines dermatoses pigmentogènes (mélasma).

Cependant, la réduction de l’ensoleillement (notamment, lors de l’immigration vers le nord) peut être délétère : elle peut décompenser des affections « photoprotégées » latentes telles que l'acné ou l’eczéma et, surtout, entraîner des carences en vitamine D.

Du bon usage de la photoprotection

Les patients à peau noire résidant en France présentent un éclaircissement physiologique cutané qui les rend sensibles au soleil. Il leur est donc utile de se protéger en début d’exposition contre le coup de soleil et certaines dyschromies. « La peau noire subit moins les dégâts induits par les UV que la peau blanche : lorsque les cellules cutanées sont abîmées par les UV, elles sont éliminées par apoptose de façon bien plus efficace que lorsque la peau est blanche. Par ailleurs, la fréquence des cancers cutanés est entre 20 et 50 fois moins importante sur peau noire que sur peau blanche », note la Dr Fitoussi. Les carcinomes apparaissent surtout sur les peaux lésées (par brûlure ou par dépigmentation artificielle, par exemple). Il n’est donc pas utile de protéger toutes les peaux noires. Seules certaines situations impliquent une stricte photoprotection : albinisme, grossesse, bébés, photodermatoses, lichen, mélasma, traitements photosensibilisants. « Le début de l'exposition au soleil doit inciter à la prudence chez les personnes effectuant un retour au soleil alors qu'elles vivent en France, surtout celles qui prennent des œstroprogestatifs ou qui ont un vitiligo », affirme la Dr Fitoussi. Les peaux noires n'ont pas besoin d'un fort indice UVB, mais d'un bon indice UVA. Elles sont plus sensibles à lumière visible que les peaux blanches. « Or les écrans solaires minéraux efficaces contre celle-ci sont très visibles sur peau noire : les formes fluides au « toucher sec » sont préférables. Enfin, le plus important reste la protection comportementale et vestimentaire » conclut la Dr Fitoussi.

D'après la communication de la Dr Camille Fitoussi (Paris)
(1) Agbai ON et al. J Am Acad Dermatol 2014;70(4):748-62

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9547