Rosacée

La recherche avance à grands pas

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Publié le 16/01/2017
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Dermatose faciale fréquente, la rosacée fait désormais l'objet d'une nouvelle classification. Elle a longtemps été classée par stades (I : forme érythémateuse, II : forme papulopustuleuse, III : forme phymateuse et IV : atteinte oculaire). « Dans ces conditions, explique le Pr Bernard Cribier (CHRU de Strasbourg), les patients pensaient souvent, à tort que leur rosacée érythémateuse allait forcément évoluer vers un rhinophyma. Le groupe d'experts ROSCO dont j'ai fait partie s'est réuni, début 2016 pour proposer une classification de la rosacée en phénotypes, c'est-à-dire, en signes cliniques (bouffées vasomotrices, érythème, télangiectasies, papulopustules, rhinophyma et autres formes hypertrophiques du visage). La prise en charge dépendant ainsi principalement du signe clinique auquel nous nous intéressons ».

Une épidémiologie mieux connue

La prévalence de la rosacée se révèle bien plus importante que ce qui a été décrit durant les dernières décennies. Dans une étude (1) incluant plus de 90 000 salariés (prédominance masculine) travaillant dans l'industrie allemande, la prévalence de la rosacée a été estimée à 2,3 % (sans différence entre hommes et femmes). Une autre étude (2) fondée sur la banque de données anglaise (suivi de 7 millions de patients depuis 1978 et enregistrement de leurs pathologies et traitements) a confirmé que la rosacée prédomine après l'âge de 40 ans, avec un pic aux alentours de l'âge de la ménopause. Dans un autre travail (3) près de 20 000 questionnaires ont été envoyés à la population générale russe et allemande pour en extraire les personnes correspondant au phénotype typique de rosacée (peau et yeux clairs). Après tirage au sort, certaines d'entre elles se sont vues proposer une consultation de dermatologie. « Les auteurs ont extrapolé leurs données à la population générale et estimé que 12 % de la population allemande et 5 % de la population russe serait atteinte de rosacée. Les personnes de phototypes clairs sont davantage touchées mais les peaux foncées sont également concernées. Et l'antécédent familial joue un rôle important dans la survenue de cette pathologie », précise le Pr Cribier.

Étiologie, comorbidités, traitements : du nouveau

Certains facteurs déclenchant la rosacée sont bien connus : nourriture épicée, alcool, stress, activité physique intense, exposition au soleil ou aux UV, bains chauds, boissons chaudes et Demodex folliculorum, un acarien que l'on trouve habituellement sur la peau du visage. Une étude menée en Turquie (4) a comparé deux groupes de femmes : celles qui pour cuisiner utilisent le tandoor (four en terre cuite creusé dans le sol et dégageant une chaleur très importante) et celles qui ne l'utilisent pas. 38 % des femmes utilisant le tandoor avaient une rosacée contre 5 % dans l'autre groupe. Ce qui confirme le rôle déclenchant de la chaleur. Des études récentes se sont, par ailleurs, intéressées aux comorbidités de la rosacée. La base de données danoise (5) recensant 99,4 % des données médicales du pays a permis d'établir un lien entre la rosacée et la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique, le côlon irritable et la maladie cœliaque. « Nous savons, par ailleurs, que la rosacée prédomine chez les personnes migraineuses (notamment, les femmes après 50 ans) et celles qui ont naturellement un risque de carcinome basocellulaire », note le Pr Cribier.

Grande nouveauté : une étude américaine (6) a démontré l'intervention de l'inflammation et de l'immunité innée dans la survenue de la rosacée. « En outre, il n'y a pas de lien entre la diminution du Demodex folliculorum sur la peau et la guérison clinique », assure le Pr Cribier. Mais une étude (7) suggère que le microbiote véhiculé par le Demodex folliculorum (notamment, le Bacillus oleronius) pourrait être responsable de l'inflammation cutanée et de la stimulation de l'immunité innée.

La recherche en génétique avance également, elle a notamment permis de confirmer les liens entre la maladie cœliaque et la rosacée. Et des traitements innovants, brimonidine et ivermectine, notamment, ont été mis sur le marché pour soulager les patients atteints de rosacée.

D'après la communication du Pr Bernard Cribier (CHRU Strasbourg)
(1) Augustin M et al. Br J Dermatol 2011;165 :865
(2) Spoendlin J et al. Br J Dermatol 2012;167:598
(3) Tan J et al. J Cutan Med Surg 2016;20:317
(4) Hatice U et al. Int J Dermatol 2015;54:1429
(5) Egeberg A et al. Br J Dermatol 2016,doi:10.1111/bjd.14930
(6) Yamasaki K et al. Nat Med 2007;13:975
(7) Murillo N et al. Microb Pathog 2014;37:71-2

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9547