DEPUIS, quatre grands axes se sont développés. Le plus ancien, c’est le clonage positionnel qui identifie des gènes d’intérêt, par exemple les marqueurs des maladies génétiques. Deuxième axe : connaître un gène permet d’exprimer sa protéine, soit dans des cellules en cultures (protéines recombinantes), soit in vivo : il s’agit alors de thérapie génique. Le troisième pilier est le séquençage des génomes, dont celui de l’homme, sans doute l’événement marquant du tournant du millénaire. Le quatrième enfin, encore largement confiné aux laboratoires de recherche, est la quête des cellules souches.
Protéines recombinantes et thérapie génique.
« Malgré toute la médiatisation - et les espoirs - placés dans la thérapie génique, ses applications restent rares et sa mise en œuvre est très lourde » : bien que pionnier dans ce domaine, Alain Fischer en situe d’emblée les limites. « Les protéines recombinantes et les anticorps monoclonaux sont de loin les principaux remèdes issus du génie génétique. »
En 1985, la firme Genentech met sur le marché l’hormone de croissance humaine, première d’une série d’hormones, d’anticoagulants, de facteur de croissance. Mais ce sont surtout les anticorps monoclonaux « humanisés » dirigés contre des maladies spécifiques, dont certains cancers, qui constituent le marché le plus important pour les compagnies pharmaceutiques.
La thérapie génique proprement dite, c’est-à-dire le remplacement d’un gène muté par un gène fonctionnel (ou transgène), a été appliquée avec succès à certains déficits immunitaires monogéniques.
« À Necker, notre premier patient était un bébé atteint d’un déficit immunitaire combiné sévère lié à l’X », se rappelle Alain Fischer. « C’était en mars 1999. Je me souviens de notre émotion et de la joie de l’équipe quand nous avons eu la preuve que le transgène était bien intégré dans les précurseurs des lymphocytes ! C’était il y a maintenant douze ans, l’enfant vit bien. C’est le plus ancien patient au monde traité par thérapie génique, il y en a 38 en tout. »
Grâce à ces succès, des programmes de thérapie génique sont maintenant lancés dans le monde entier.
L’aventure du génome humain.
« Le séquençage du génome humain a eu une dimension industrielle inconnue de la recherche académique en biologie », explique Francis Quétier, bras droit de Jean Weissenbach au Génoscope . « À la faculté d’Orsay, en 1993, je m’estimais heureux d’avoir un séquenceur d’ADN dans mon laboratoire. Quand je suis arrivé à Evry, la même année, il y en avait quinze à Généthon, et pour finir le séquençage du chromosome 14 dans les temps, une centaine à Génoscope. »
Les plus gros centres publics mondiaux de séquençage ont lancé le HGP (Human Genome Project) en 1993, escomptant dix ans de travail pour couvrir 90 % des 3,2 milliards de paires de bases qui constituent notre génome. Mais grâce aux progrès techniques, et aussi aux cartes génomiques originalement obtenues par Jean Weissenbach, le consortium a publié dans la revue « Nature », en 2001, la séquence quasi-complète et ordonnée du génome humain. « J’avais parié une plaque de chocolat que nous ferions mieux que notre concurrent Craig Venter et sa firme Celera Genomics », plaisante Francis Quétier. Et en effet, dans un article publié en 2002 dans les Proceedings de l’Académie des sciences américaine, Robert Waterston et ses collègues concluent « la séquence de Celera est un patchwork incomplet dont l’assemblage n’a pu se faire qu’à partir des cartes du consortium HPG ». Cela n’a pas empêché Celera de prospérer mais, grâce au HPG, le génome humain est resté dans le domaine public et a été fini à 100 %.
La séquence du génome n’est pas tout, encore faut-il y détecter les gènes dans cet océan d’ADN. Les estimations tournaient alors autour de 100 000 gènes. « Nous avons appelé le poisson au secours de l’homme », confie Francis Quétier. En effet, le tétrodon, possède un génome compact avec 8 fois moins d’ADN que l’homme. La comparaison des deux génomes a donné 30 000 gènes chez les vertébrés : la presse, dépitée, titrait « l’homme n’a que 30 000 gènes ». On sait que ce nombre a été réduit à 22 500. Cependant, l’épissage alternatif des ARN messagers (ARNm) génère environ cent mille protéines différentes. Mais l’homme a autant de gènes que les autres mammifères.
Quelles sont les perspectives ? La disponibilité des séquences génomiques accélère de façon foudroyante la recherche des anomalies génétiques et on s’attaque aux maladies multigéniques. On vise le séquençage d’un génome individuel à 100 $. Avec le perfectionnement des outils moléculaires, le remplacement homologue (« échange standard ») des gènes mutés devient possible. Cela devrait favoriser l’émergence de la médecine personnalisée. On peut espérer prédire la réaction à un traitement grâce à la pharmacogénomique. Et puis s’ouvrent toutes les perspectives sur l’épigénétique (voir notre article sur les Biotechnologies) et le métagénome . De quoi occuper la décennie à venir !
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