EN QUATRE décennies, que de transformations, que de réformes. L’hôpital est en mue perpétuelle. Première date marquante, 1970 : la loi hospitalière crée la fonction de directeur d’hôpital et bouleverse les rapports de force en interne. L’émergence d’une puissance administrative chamboule le corps médical. « Avant, un bon directeur, c’était celui qui arrivait à donner aux médecins tout ce qu’ils voulaient », sourit aujourd’hui Gérard Vincent, ancien directeur des Hôpitaux et délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF) depuis 1998. La loi de 1991 instaure les schémas régionaux d’organisation sanitaire. Nouveau coup dur pour les médecins : il n’est plus possible de tout faire partout. Cette prise en main progressive de l’État sera confortée en 1996, avec la création des agences régionales de l’hospitalisation. Viendront ensuite le plan Hôpital 2007 (SROS 3, tarification à l’activité, pilotage médicoéconomique…) et la loi HPST en 2009. L’ultime étape qui consacre « la mainmise totale de l’État sur l’hôpital », selon Jean de Kervasdoué. Cet autre ancien directeur des Hôpitaux regrette la planification large des années 1980. « L’autorisation pour un scanner, autrefois d’une durée infinie, devient à durée déterminée », illustre-t-il.
La dynamique Mattei.
S’il se trouve corseté par une planification rigoureuse, c’est que l’hôpital dépense beaucoup. Soixante milliards d’euros par an, près de 4 % du PIB. Au budget global, créé en 1983, succède la tarification à l’activité en 2003. La T2A place le public en concurrence directe avec le privé : l’hôpital doit se réorganiser. Regroupements des services en pôles, délégation de gestion aux médecins : les idées de Jean-François Mattei séduisent sur l’instant. « Son discours en juin 2003 a été un moment d’enthousiasme collectif : on allait vers une nouvelle dynamique et une réconciliation de tous, médecins, directeurs et cadres soignants, autour d’un projet commun pour un nouvel hôpital », se souvient le Dr Francis Fellinger, président de la Conférence des présidents de CME de centres hospitaliers. L’adhésion sera de courte durée. Des syndicats de personnel et de médecins dénoncent l’avènement d’un hôpital entreprise, la casse du service public. Les 35 heures, trop vite installées, sont source de tension. Les hospitaliers vivent mal l’enchaînement des réformes, ils réclament plus de moyens. Les conflits entre médecins et directeurs resurgissent avec vigueur durant la préparation de la loi HPST. « Cette loi est née d’une vision trop simpliste de l’hôpital. Une vision qu’on essaye aujourd’hui de dépasser », observe le Dr Fellinger.
Le mandarin tout puissant, clairement, n’est plus. Pas plus que l’hôpital régnant en son royaume. « La loi HPST positionne l’hôpital comme un acteur parmi d’autres au sein du système de santé. La France essaye de sortir de l’hospitalocentrisme », note ainsi Gérard Vincent. Chacun doit trouver ses marques dans ce nouveau contexte. « On est passé d’une époque où le médecin faisait ce qu’il voulait à une époque où c’est le directeur qui monte la stratégie médicale avec le président de la CME. On est entré dans une logique d’entreprise publique. Pour les médecins, c’est difficile à vivre : pour eux, c’est le début de la fin d’une époque », observe le délégué général de la FHF.
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