SELON LA DÉFINITION donnée par Robert Marin en 1990 (1), l’apathie est un déficit de motivation qui s’exprime dans différents domaines, ce qui se traduit par une diminution de l’initiation motrice (baisse des initiatives, de la productivité, de l’effort), de l’initiation cognitive (altération des fonctions supérieures, avec une baisse de la préoccupation de soi) et des émotions. « L’affect est plat, d’ailleurs, le plus souvent, le sujet ne se plaint pas mais c’est son entourage qui vient consulter », a précisé le Pr Dominique Drapier (Rennes). L’apathie est un syndrome transnosographique, qui se rencontre dans de nombreuses pathologies psychiatriques et neuropsychiatriques.
Elle est très fréquente dans la maladie d’Alzheimer. Les études d’imagerie fonctionnelle, réalisées grâce au PETscan, ont mis en évidence l’implication du cortex orbitofrontal, avec une baisse du signal dans les zones cingulaires. Dans la maladie de Parkinson, la prévalence de l’apathie est également élevée. Elle est liée à l’altération des fonctions supérieures. Là aussi, le PETscan a pu montrer l’implication du cortex médial et orbitofrontal bilatéral. Un troisième modèle d’étude est l’apathie déclenchée par la stimulation du noyau sous-thalamique profond, telle que pratiquée pour traiter la maladie de Parkinson. Les mêmes zones sont impliquées selon les données de l’imagerie fonctionnelle. Enfin, l’étude en IRM morphologique dans l’apathie préclinique retrouve des altérations morphologiques superposables aux altérations fonctionnelles induites par la stimulation cérébrale profonde. Toutes ces données concordent et plaident en faveur d’un syndrome transnosographique impliquant un réseau neurofonctionnel commun : cortex orbitofrontal, cingulaire postérieur, préfrontal ventrolatéral et temporal.
Rien à perdre.
La dépression est un problème majeur chez les sujets âgés : 10 % des patients consultant dans un centre de soins ont un syndrome dépressif, majeur ou mineur, dont le pronostic est sévère : mortalité accrue, par grandes causes et par suicide, retentissement fonctionnel qui altère le fonctionnement quotidien. « Ceci implique la nécessité d’une double prise en charge : traitement de la dépression et accompagnement », a indiqué le Dr Jérôme Pellerin (Ivry-sur-Seine). Chez les sujets âgés, le diagnostic est souvent difficile à faire et il faut repérer les signaux d’alerte que sont les troubles du sommeil, une modification du caractère ou du comportement et une crise familiale ou une famille émotionnellement perturbée. Enfin, la dépression du sujet âgé présente, outre son caractère atypique, deux particularités : le « rien à perdre » mélancolique -le sujet ne pouvant plus faire le travail de vieillir- et la radicalité des positions.
90 % de décès à un an.
Le syndrome de glissement, enfin, est une entité ancienne et bien française, définie comme « un processus d’involution porté à son état le plus complet », a rappelé le Dr Michel Benoit (Nice). Cette perte d’autonomie survient fréquemment après une affection aiguë, qui semblait jugulée, de façon brutale et rapidement évolutive. En fait, ce syndrome qui ne se fonde pas sur un modèle physiopathologique, connaît de multiples définitions, qui ont toutefois en commun un effondrement des fonctions vitales et l’existence d’un facteur déclenchant dans un contexte favorisant.
L’évolution spontanée est redoutable, principalement du fait des complications de décubitus : le taux de décès à un an est de 90 %, la majorité des décès survenant durant les premières semaines d’évolution. Le taux de rechute est de 30 %, mais un traitement actif permet d’obtenir la guérison dans 40 % des cas.
Cliniquement, le patient présente des signes psychiques : repli sur soi allongé, triple refus de manger, de se lever et de communiquer. Il présente également des signes physiques, anorexie, adipsie, déshydratation, dénutrition… « Il s’agit bien d’une entité gériatrique, mais est-ce une entité psychiatrique, une forme possible de dépression masquée ou la conséquence d’une dépression sévère ? Est-ce un processus passif ou, au contraire, actif, lié au refus de vivre plus ? » Ce « failure to thrive », pour les Anglo-Saxons, reste peu étudié et il faut souligner l’intérêt d’un travail de thèse réalisé à Aubagne : le syndrome de glissement, qui représentait 6 % des motifs d’hospitalisation, était déclenché par des facteurs très divers : accident vasculaire cérébral, infection, fracture, cancer… Tous les patients admis étaient polypathologiques. Malgré une prise en charge thérapeutique, fondée sur la prescription d’antidépresseurs (70 % des cas), le nursing, la réhydratation etc., l’évolution s’est faite vers le décès dans 24 % des cas et aucune récupération d’autonomie satisfaisante n’a été obtenue.
(1) Marin RS. Differential diagnosis and classification of apathy. Am J Psychiatry 1990;147:22-30.
D’après la séance plénière « le sujet âgé : apathie, dépression, glissement », modérée par le Pr Frédéric Limosin (Issy-les-Moulineaux) et le Dr Patrick Frémont (Lagny).
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