C’EST SEULEMENT À PARTIR du XIXe siècle qu’on commence à parler de folie chez l’enfant. En 1860, Morel emploie pour la première fois le terme de « démence précoce » chez un garçon de 14 ans. Diverses publications suivent et, en 1890 Kraepelin, souligne que les démences précoces surviennent surtout à la fin de l’adolescence mais aussi, parfois, chez l’enfant de moins de 10 ans. Parallèlement, au fil des travaux, surgit l’idée d’une possible organicité de ces démences. En 1911, Bleuler propose le concept de schizophrénie avec comme symptôme primaire la dissociation et invente le terme d’autisme, symptôme secondaire et constat de la désorganisation du développement normal. De nombreux travaux sont publiés en Europe et, en 1930, Mélanie Klein relate une observation d’un enfant de 4 ans dépourvu d’affect, indifférent à l’entourage, sans désir de communication et pour lequel est porté le diagnostic de schizophrénie. « Quand on relit cette observation aujourd’hui, remarque le Pr Claude Bursztejn, on y trouve toutes les caractéristiques de l’autisme ».
Question de frontières.
C’est dans ce contexte, dominé par la schizophrénie, que Leo Kanner va, en 1943, publier ses 11 cas de « troubles autistiques ». Il ne dissocie pas ces troubles de la schizophrénie mais souligne qu’ils existent depuis le début de la vie. Les frontières de la schizophrénie et de l’autisme restent donc floues et vont le demeurer pendant de nombreuses années… Au moins jusqu’en 1970, où Rutter et Kolvin, sur la base d’études étendues, montrent que tous les enfants présentant les signes d’autisme de Kanner n’évoluent pas vers la schizophrénie, et posent là une réelle différenciation entre les deux pathologies. En France, Mises et Moniot proposent de différencier les psychoses précoces, qui apparaissent avant l’âge de 4 ans, et les psychoses d’apparition plus tardives, avec évolution des tableaux cliniques proche de la schizophrénie. Les contours se dessinent. Enfin, dans la nouvelle version de la classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA-R2010), la notion de psychose précoce a été conservée dans le cadre de la catégorie « troubles envahissants du développement » (TED). Au sein des TED, le « retard mental avec troubles autistiques ou psychotiques » et la « dysharmonie psychotique » restent individualisées.
Des tableaux complexes.
Des enfants prépubères hallucinent alors qu’ils ont présenté des symptômes de TED dans la petite enfance. Doit-on alors conserver le diagnostic d’autisme, évoquer une forme précoce de schizophrénie ou parler d’évolution schizophrénique de psychose infantile ? « Aujourd’hui, souligne C. Bursztein, il n’est pas question d’affirmer que les enfants autistes vont évoluer vers la schizophrénie, mais d’autres TED le peuvent. Autisme et schizophrénie précoce reposent peut-être sur des mécanismes communs ? La question reste posée ».
Les résultats des études des relations entre troubles autistiques et schizophrénie à début très précoce (SDTP) restent contradictoires. Néanmoins, une étude menée à Rennes par le Pr Sylvie Tordjman sur 28 patients porteurs d’une SDTP, dont 21 chez lesquels le diagnostic d’autisme avait été posé avant la puberté, permet de soulever diverses hypothèses. Chez ces 21 patients, on retrouvait à l’interrogatoire la triade symptomatique autistique (altération qualitative des interactions sociales, de la communication, comportements restreints et stéréotypés) dans l’enfance, voire la petite enfance. On peut alors imaginer qu’un tronc commun existe dans la petite enfance entre troubles autistiques et troubles schizophréniques. Ce tronc commun serait composé de plusieurs facteurs, psychologiques, biologiques, génétiques… la distinction ultérieure se faisant au cours de l’évolution vers une des deux pathologies selon le poids des différents facteurs. Autre hypothèse : divers événements survenant au moment de la puberté chez des enfants autistes les feraient évoluer vers la schizophrénie. On peut aussi émettre l’idée que les caractéristiques séméiologiques de l’autisme sont insuffisantes pour le différencier vraiment d’une SDTP. « Quoi qu’il en soit, conclut Sylvie Tordjman, il faut retenir la nécessité d’utiliser des outils validés et considérer que les patients avec une SDTP constituent un sous-groupe intéressant pour mieux comprendre leurs antécédents et ceux des patients porteurs d’une schizophrénie plus tardive ».
Côté traitement, quatre types de facteurs sont importants à considérer pour une observance optimale : les facteurs sociaux, la relation médecin-malade, les effets indésirables et l’efficacité du traitement. « Il faut insister sur la tolérance des traitements chez ces patients jeunes appelés à être traités à vie », souligne le Dr Olivier Bonnot. Une étude réalisée aux États-Unis et publiée en 2000 sur 4 millions de prescriptions a montré que le risque de sédation et de prise de poids était 4 à 4,5 fois plus important chez les sujets jeunes que chez les adultes. Il est clair que ces deux effets indésirables sont essentiels à prendre en compte dans les prescriptions.
› Dr BRIGITTE MARTIN
D’après la communication des Prs Claude Bursztejn (Strasbourg), Sylvie Tordjaman (Rennes) et du Dr Olivier Bonnot (Paris) « Schizophrénies précoces et prépubertaires »
Article précédent
Une cause organique détectée dans 20 % des cas
Optimiser la prise en charge
Quel objectif de consommation ?
Un nouveau regard sur l’accès maniaque
Une prise en charge complexe
Un risque d’actes violents
Grand âge, grands syndromes
Une cause organique détectée dans 20 % des cas
Des relations à clarifier
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024