Des recommandations pour faciliter le dépistage

La dénutrition, un diagnostic clinique

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Publié le 30/01/2020
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La Haute Autorité de santé (HAS) et la Fédération française de nutrition (FFN) ont élaboré conjointement une recommandation de bonne pratique relative au diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte. Publiée en novembre 2019, elle permet de faire le point sur les définitions et les critères diagnostiques.
Deux critères phénotypique et étiologique associés

Deux critères phénotypique et étiologique associés
Crédit photo : phanie

La dénutrition est un problème de santé publique qui touche au minimum 2 millions de personnes en France et il est indispensable de déterminer quels sont les outils à utiliser pour l’appréhender. Or, pour les personnes entre 18 et 70 ans, les critères qui étaient en place faisaient référence à des concepts datant de 2003, en grande partie dépassés. Dans ce contexte, la nouvelle recommandation de la HAS publiée en novembre dernier avait pour objectifs de définir la dénutrition chez l’enfant et l’adulte de moins de 70 ans ; de définir les critères permettant le diagnostic dans ce contexte ; et, enfin, d’améliorer celui-ci, à l’aide d’outils adaptés.

En ce qui concerne les définitions, pour le Pr Jean-Claude Desport (Limoges), la problématique est complexe : il faut s’intéresser à la dénutrition en elle-même mais également à ses causes et à ses conséquences. « Notre cheminement au sein du groupe de travail a été plus long que prévu car ce qui pouvait paraître simple ne l’était pas, tant différentes définitions ont été proposées au cours des années », souligne-t-il.

Déséquilibre nutritionnel

Pour cette nouvelle recommandation, la HAS a choisi la définition la plus consensuelle : « la dénutrition est l’état d’un organisme en déséquilibre nutritionnel, le déséquilibre étant caractérisé par un bilan énergétique et/ou protéique négatif ». Certaines notions n’ont toutefois pas été approfondies par la recommandation HAS. « Des définitions ont été proposées pour la cachexie (malnutrition chronique avec inflammation, associant une anorexie et une destruction tissulaire, causée par une affection sous-jacente), la sarcopénie (perte de masse maigre squelettique, de force et de fonction, avec des conséquences délétères) et la fragilité (concept qui associe une vulnérabilité à une mauvaise adaptabilité et des réserves énergétiques et protéiques faibles), mais nous ne sommes pas allés plus loin », ajoute le Pr Desport.

Un consensus a en revanche été trouvé sur les outils diagnostiques. Pour diagnostiquer la dénutrition, il sera désormais nécessaire de disposer d’au moins une donnée phénotypique (baisse de l’indice de masse corporelle ou perte de poids ou de masse musculaire) associée à au moins une donnée étiologique (réduction de la prise alimentaire ou trouble de l’absorption digestive ou situation d’agression).

Chez l’enfant, recueillir les données à chaque consultation

« En ce qui concerne la pédiatrie, il y avait des recommandations du comité de nutrition de la Société française de pédiatrie (SFP) mais pas des autorités françaises, indique le Pr Emmanuel Mas (Toulouse). Les recommandations de la HAS arrivent donc à point nommé. » Dans le détail, il est recommandé de dépister la dénutrition systématiquement à chaque consultation et de reporter l’évaluation nutritionnelle dans tous les documents (carnet de santé, dossier médical personnel, compte rendu, réunion de concertation pluridisciplinaire, courriers aux correspondants).

Le diagnostic de dénutrition nécessite la présence d’au moins un critère phénotypique et un critère étiologique. Ce diagnostic est un préalable obligatoire avant de juger de la sévérité de l’atteinte et il repose exclusivement sur des critères non biologiques. Les critères phénotypiques sont les suivants : perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ; IMC < courbe IOTF 18,5 ; stagnation pondérale aboutissant à un poids situé 2 couloirs en dessous du couloir habituel de l’enfant (courbe de poids) ; réduction de la masse et/ou de la fonction musculaire (lorsque les normes et/ou les outils sont disponibles). Les critères étiologiques sont les suivants : réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’une semaine, ou toute réduction des apports pendant plus de deux semaines (par rapport à la consommation alimentaire habituelle quantifiée ou aux besoins protéino-énergétiques estimés) ; absorption réduite (malabsorption/maldigestion) ; et, enfin, situation d’agression (hypercatabolisme protéique avec ou sans syndrome inflammatoire), c’est-à-dire pathologie aiguë, pathologie chronique évolutive ou pathologie maligne évolutive. « Après le diagnostic, il est indispensable de mettre en place une prise en charge et une surveillance adaptées », ajoute le Pr Emmanuel Mas.

Chez l’adulte, pas de précipitation sur l’albuminémie

Le sujet du diagnostic de la dénutrition chez l’adulte (≥ 18 ans et < 70 ans) a été présenté par le Pr Éric Fontaine (Grenoble), également président du Collectif de lutte contre la dénutrition. Après un retour sur les étapes qui ont abouti à cette recommandation, il a détaillé les critères phénotypiques pour l’adulte : perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ; IMC < 18,5 kg/m² ; réduction quantifiée de la masse et/ou de la fonction musculaire. Quant aux critères étiologiques, ce sont les suivants : réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’une semaine, ou toute réduction des apports pendant plus de 2 semaines (par rapport à la consommation alimentaire habituelle quantifiée ou aux besoins protéino-énergétiques estimés) ; absorption réduite (malabsorption/maldigestion) ; situation d’agression.

Lorsque le diagnostic de dénutrition est établi (et seulement lorsqu'il est établi), il est recommandé de déterminer son degré de sévérité (dénutrition modérée ou dénutrition sévère) et, comme pour les enfants, la prise en charge et la surveillance des patients dénutris doivent être repensées en conséquence.

Session « Sensibiliser au dépistage de la dénutrition »

Anne-Lucie Acar

Source : Le Quotidien du médecin